Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 44.djvu/385

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

oppositions, rares d’ailleurs et passagères, que la loi sur le service obligatoire a rencontrées : le sénateur Hardwick, ayant déposé un bill défendant l’envoi d’aucun soldat américain hors du sol fédéral sans son consentement, la proposition fut rejetée par l’unanimité des membres de la commission militaire au Sénat, qui proclama la loi de conscription conforme à la constitution et le droit des États-Unis, bien qu’il n’y en eût encore eu aucun exemple, d’employer au dehors l’armée nationale.

Dans plusieurs États, en effet, des réfractaires, emprisonnés pour avoir refusé de se faire inscrire sur les listes militaires, protestaient devant les tribunaux contre la violation de l’article fondamental de la Constitution, qui défend de « réduire les citoyens en esclavage ou servitude involontaire. » Pour accepter ce point de vue, répondait un jugement de Richmond (Géorgie), qui a fait le tour de la presse américaine, il faudrait admettre qu’un soldat est un « esclave ; » quant à l’argument tiré de ce qu’en vertu de la « loi commune, » c’est-à-dire de la « loi immémoriale anglaise » que « nul ne peut être forcé de servir hors du royaume,» (sic) le juge formulait que cette vieille coutume ne pouvait prévaloir contre la volonté nettement exprimée du Congrès, législateur souverain des États-Unis ; et, par un respect bien curieux des traditions anglo-saxonnes du moyen âge, ce magistrat croyait devoir ajouter : « même en admettant qu’il n’existe pas un pouvoir positif d’envoyer des armées au delà des mers, il y a par-dessus tout le pouvoir de toute nation organisée de défendre sa liberté contre des peuples de guerriers féroces, dont l’inhumanité pendant trois ans a surpassé toutes celles de l’histoire, depuis la mort d’Attila, le fléau de Dieu. »

Une résistance à main armée contre la loi de conscription fut organisée en Virginie ; deux cents montagnards s’étaient engagés, par un serment écrit, à détruire les armes et les munitions de l’État. L’arrestation de leurs chefs, condamnés à cinq ans de prison, fit avorter ce complot. Dans l’Oklahoma une troupe d’ouvriers, rassemblés au milieu d’une forêt, fut découverte et dispersée par la force publique ; il y eut des morts et des blessés. A New-York, en septembre, une bande d’individus, presque tous étrangers et quelques-uns anarchistes notoires, qui s’intitulaient « Amis de l’indépendance irlandaise, » improvisèrent aux carrefours des meetings où des « orateurs de coin