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dont ils étaient par nous frustrés. Ceux de nos concitoyens, — et ils sont nombreux, — qui n’éprouvaient aucun goût pour l’écorce du grain, seront heureux de ne plus la disputer au bétail et de la voir disparaître de leur pain.

New-York lui-même fut un moment menacé de manquer de farine, et le gouvernement dut en réquisitionner 80 000 barils en partance pour la Norvège. Là-bas aussi la guerre transforme l’abondance en disette ; à l’accroissement de la consommation s’ajoute la destruction criminelle des ressources alimentaires par les agens de l’ennemi : les incendiaires à la solde de l’Allemagne ont anéanti par le feu, un jour, 260 000 hectolitres de grain ; un autre jour, 43 000 têtes de bétail, rassemblées de la veille dans les étables livrées aux flammes. Depuis le 1er octobre 1917, les hôtels, les restaurans, les dining-cars ont réduit l’usage de la viande ; ils ont institué les « mardis sans bœuf, » système que le gouvernement a généralisé en y ajoutant un autre jour sans porc. Pour les porcs, en vue d’encourager la production par un prix rémunérateur en rapport avec le coût des fourrages, le contrôleur des vivres a établi un minimum qui suit les cours du maïs, à raison de 420 litres de ce grain par 100 livres de poids de l’animal sur pied ; de sorte que le fermier ait toujours quelque avantage à élever des porcs plutôt qu’à vendre ses grains.

Comme nous, les Etats-Unis ont eu leur question des pommes de terre, leur question du sucre, dont le prix, au détail, a été fixé à 0 fr. 90 et 1 franc le kilo. Mais, quoique la ration mensuelle fût en théorie de trois livres par personne, c’est-à-dire du triple de notre ration française, l’écriteau « Pas de sucre » s’étalait durant les derniers mois à la devanture de bon nombre d’épiceries, ou bien les marchands refusaient d’en vendre à qui ne leur achetait pas pour un ou deux dollars d’autres denrées. Il est vrai que l’Amérique a envoyé en Europe l’an dernier 785 000 tonnes, tandis que son exportation était négligeable avant la guerre.

Les Etats-Unis ont aussi leur crise du combustible : un jour de cet automne, le trafic du « subway » — l’équivalent de notre métropolitain — fut, plusieurs heures durant, interrompu à New-York, faute de houille pour alimenter les machines génératrices du courant électrique. Beaucoup de caves au 1er décembre étaient vides de charbon et les propriétaires ne pouvaient