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C’est l’argument dont les auteurs heureux et moqués ferment la bouche aux critiques.

Qu’on nous permette, malgré tout, une critique encore. Elle ne vise plus la forme des romans de M. Stilgebauer, mais les idées qu’il défend. Qu’elle est donc mal justifiée par les faits, l’insistance de cet auteur à ne peindre que des officiers, féroces malgré eux- Tous ces incendies, tous ces meurtres, toutes ces violences dont l’armée allemande restera déshonorée, M. Stilgebauer y voit le fait d’une manie collective dont les dirigeans seuls porteront la responsabilité ! Il semble que l’idéal démocratique de M. Stilgebauer l’empêche de voir les choses comme elles sont. Rendre à César ce qui est à César, c’est bien, mais il n’a pas été seul à pécher.

Il est particulièrement téméraire de suggérer, comme s’y essaye l’auteur d’Inferno et du Navire de la Mort, que les officiers allemands n’ont point partagé la folie générale. Adolf, Berkersburg, Schlosser détestent le rôle qu’on leur fait jouer en France et en Belgique ; le capitaine Stirn perd la raison pour avoir « assassiné, » comme il hurle dans sa détresse, des milliers d’innocens ; mais quelle image différente la réalité n’offre-t-elle pas ! Ces officiers esthètes, ces officiers humains, ces Allemands hommes d’honneur qui remplissent les romans de M. Stilgebauer, on ne les trouverait malheureusement nulle part ailleurs. Le romancier francfortois ne les a pas dessinés d’après nature : il les a inventés. Ils sont les fils d’un écrivain, à l’imagination débordante et au cœur chaud, mais d’un écrivain, — ne l’oublions pas, — qui a dû s’exiler d’Allemagne parce qu’il ne pensait plus comme les Allemands.


MAURICE MURET.