Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 44.djvu/733

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des pays alliés, réunis à Londres, sont d’accord sur ce point avec les gouvernemens.

D’autre part tous les Allemands considèrent l’Alsace-Lorraine comme une terre allemande de droit, arrachée à l’Allemagne par la violence, reconquise en 1870 ; car, malgré l’évidence des faits historiques, aucun livre d’histoire allemand n’admet une autre doctrine. Quand M. de Kuhlmann a prononcé devant le Reichstag la fameuse phrase : « Faire à la France des concessions quelconques sur l’Alsace-Lorraine ? Jamais ! » — il n’a trouvé en Allemagne, même parmi les socialistes indépendans, aucun contradicteur, La « Terre d’Empire » est pour les Allemands le « bouclier de l’Empire » contre ses ennemis (conception militaire) ; elle est aussi le fruit tangible des victoires qui ont rétabli l’unité allemande et donné à l’Allemagne quarante ans d’une prospérité sans précédent. Les protestations du peuple alsacien, qualifié de race inférieure, ne peuvent valoir contre les droits et les intérêts du germanisme. L’Alsace, après un demi-siècle de domination allemande, est restée le « pays sujet » (Unterthanenland), privé des droits politiques des États allemands et systématiquement sacrifié à leurs concurrences économiques.

Deux symboles en présence, — liberté des peuples d’un côté, droits supérieurs du germanisme de l’autre, — deux concepts inconciliables.

Serait-il davantage possible d’arriver à un accord sur la question polonaise ? L’article 13 du programme de paix du président Wilson, conforme à la « Résolution de Cracovie » des patriotes polonais, est ainsi conçu : « Un Etat polonais indépendant devra être constitué, auquel seront incorporés les territoires habités par des populations d’origine indiscutablement polonaise, et auquel devra être garanti un accès libre et sûr à la mer ; l’indépendance politique et économique, ainsi que l’intégralité territoriale, sera accordée à cet Etat par un accord international. » Les Puissances de l’Entente ne peuvent retrancher quoi que ce soit de ce programme. Elles se déshonoreraient en abandonnant à la persécution un peuple qui a donné, dans des épreuves sans précédent, des marques éclatantes de vitalité, de patriotisme et d’unité. Elles manqueraient de toute prudence si elles ne résolvaient pas définitivement un problème qui renferme la menace d’une nouvelle guerre européenne.