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s’offrir, s’imposer à nous comme la meilleure forme de l’action.

Des deux actes que comporte la percée, le combat de rupture et l’exploitation, constatons que le premier, la rupture, n’est nullement irréalisable. La meilleure preuve est que cette rupture a déjà été réalisée plusieurs fois. Pour me borner aux exemples les plus récens, le 23 octobre dernier la 6e armée a pénétré profondément dans les lignes allemandes, sur un front de huit kilomètres, entre Laffaux et Pargny-Filain, après une préparation d’artillerie de plusieurs jours ; donc sans qu’il y ait eu, à proprement parler, surprise tactique. Un exemple d’un caractère tout différent nous est fourni par l’attaque anglaise du 20 novembre en direction de Marcoing : rupture des organisations fortifiées ennemies sur un front de 14 kilomètres, réalisée par surprise, sans préparation d’artillerie et à l’aide de tanks. Dans ces deux exemples, les positions fortifiées de l’ennemi étaient franchies, ses réserves locales étaient battues, un grand nombre de ses batteries étaient prises. Il semble incontestable que la ligne allemande était percée. Elle peut donc l’être encore.

Il est prudent de se placer dans l’hypothèse où nos lignes seraient percées également. Cet accident (que nous espérons bien ne pas devoir se produire) serait désagréable pour les nerfs du pays. Nous n’aurions pas sujet néanmoins d’en concevoir des craintes sérieuses. Car ce qu’aucun des deux partis n’a encore réalisé sur notre théâtre occidental, c’est l’exploitation d’une rupture du front, l’élargissement de la brèche obtenue par une série d’opérations de mouvement analogues à la poursuite de Gorlice ou à celle de Caporetto. Pour en trouver les motifs, il suffit de se reporter à ce que nous avons dit plus haut, en comparant à la bataille napoléonienne les batailles de la guerre de tranchées d’aujourd’hui. Réserve faite de hasards de guerre qu’il est impossible de prévoir tous, on doit affirmer que, sur un front défensif outillé comme le nôtre, l’exploitation à outrance d’un succès local se présente pour l’assaillant comme une tâche extrêmement difficile, pratiquement impossible à remplir, tant que le défenseur dispose de réserves suffisantes et que ses troupes gardent un moral élevé.

Nous pouvons donc nous reposer avec confiance sur la valeur de nos soldats et de leurs chefs, au cas où l’ennemi, réalisant le grand projet qu’il a fait annoncer, s’efforcerait par une