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et de la prise de Sinigaglia par les Confédérés pour le compte de César. Puis, une terrifiante nouvelle, le 5 janvier, atteint Città di Castello : César, une fois réconcilié avec les Confédérés, les a fait assassiner.

Comment cela s’était-il fait ? Un peu comme, quelque quatre-vingts ans plus tôt, s’était fait l’assassinat de Jean sans Peur au pont de Montereau, mais avec un luxe de précautions et un raffinement de cruauté qui mettent le Valentinois bien au-dessus de tous ses prédécesseurs dans l’esthétique du crime. Au pont de Montereau, il y avait eu, sans doute, guet-apens et violation de la foi jurée, mais sous forme d’agression et de massacre : la chose avait été brutale, rapide, un peu guerrière encore, — et la sauvagerie répugne moins à notre conscience moderne que la duplicité. À Sinigaglia, c’est au milieu de caresses, de complimens, et sous couleur de rendre les devoirs de l’hospitalité à d’anciens amis heureusement retrouvés, que César leur avait tordu le cou. Les Confédérés réconciliés avec lui venaient de conquérir, pour son compte, Sinigaglia, sauf la citadelle, qui ne voulait se rendre qu’à César en personne. Il les avait donc priés de l’attendre pour entrer avec lui dans la ville, « leur représentant qu’il était impossible que le traité qu’ils avaient fait ensemble subsistât longtemps, s’ils continuaient à lui montrer tant de défiance, et que son intention était de se servir à l’avenir des conseils et de la valeur de ses amis. »

Pour les mieux engeigner, il avait, publiquement et à grand bruit, renvoyé les troupes françaises, ses alliées, sauf cent lances, et en même temps, silencieusement et par petits paquets, disposé et réparti ses troupes à lui, considérablement renforcées, dans les environs de Sinigaglia. Une adroite concentration devait les amener, à point nommé, le 31 décembre, en nombre très supérieur aux troupes des Confédérés. Cela fait, il s’en vint de Fano, avec ses hommes d’armes et son infanterie officielle pour entrer dans la place. C’est là que Vitellozzo Vitelli, deux des Orsini, Pagolo et le duc de Gravina, enfin Liverotto da Fermo étaient invités à le rejoindre. Ils étaient venus un peu comme des chiens qu’on fouette, mais enfin ils étaient venus. Au dernier moment, en voyant autour de leur ancien ennemi beaucoup plus de troupes qu’ils n’avaient supposé, ils avaient bien eu comme une velléité de retraite, mais, moitié respect humain, moitié confiance en des engagemens solennels, gagnés