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de rapprochement entre la France et l’Angleterre, ces raisons de nous aimer les uns les autres, j’ai été amené à les exposer devant un public anglais, cet hiver, à Londres. J’ai cru possible, utile peut-être, de reproduire ici cette conférence, telle qu’elle a été dite, afin de montrer que l’union, qui sauvera la civilisation occidentale des atteintes de la plus savante barbarie, se fonde, comme tout ce qui doit durer, sur des titres anciens, que le danger commun a seulement fait valoir.


ANGLAIS, FRANÇAIS, DES RAISONS QUE NOUS AVONS DE NOUS AIMER LES UNS LES AUTRES[1]

MESDAMES, MESSIEURS,

J’ai toujours beaucoup aimé les Anglais, — j’entends par là le peuple du Royaume-Uni. Il me semble que je l’ai écrit plusieurs fois. Si je le répète aujourd’hui, c’est que j’ai la certitude d’exprimer beaucoup plus qu’une amitié personnelle : celle d’un nombre immense de Français. J’évoquerai donc, assuré d’être entendu, quelques-uns des anciens souvenirs de l’histoire, sans avoir le moins du monde la prétention d’être complet, puis quelques dates et quelques faits des temps nouveaux, et ces témoignages montreront, mieux que toutes les dissertations, que nous sommes faits pour nous entendre, et qu’aux jours même où nous nous combattions, ce qu’il y a de plus profond dans l’amitié, l’estimé, ne manqua point entre le peuple de la Grande-Bretagne et le nôtre.

Remontons jusqu’aux siècles très anciens. Vous savez qu’aux âges reculés où la Grande-Bretagne venait de sortir du paganisme, cette nation donna au monde le spectacle d’une vie monastique admirable d’enthousiasme, d’ordre et de tendresse pure. La France, chrétienne de plus ancienne date, envoyait vers vous plusieurs de ses fils les plus réputés pour leur vertu, et de jeunes hommes de vos nations, traversant la mer, venaient, de leur côté, en France, et se mettaient à l’école de nos saints et de nos savans. Elles venaient plus nombreuses encore, les filles de votre pays, et, parmi elles, de jeunes princesses, qui cherchaient la paix et la connaissance de Dieu dans les

  1. Conférence faite à Londres, sous la présidence de M. Edmund Gosse.