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Restauration religieuse : partout des couvens, des chapelles, des églises se fondent et se bâtissent. Restauration sociale : une classe nouvelle, haute bourgeoisie, noblesse de robe ou de finance, arrive au pouvoir et s’installe. Il y a beaucoup à faire pour tous les arts, dans tous les genres, entre l’Arsenal et le Marais, le Val-de-Grâce et Vaugirard. Tout un Paris nouveau se bâtit, qui perd décidément sa forme du moyen âge : le Paris de la Place Royale et des comédies de Corneille, le Paris des Séguier et des Lambert de Thorigny, des La Vrillière et des Maisons, sans parler de l’exemple de Richelieu lui-même au Palais-Cardinal. Que d’occasions pour des artistes ! Une fois de plus, on revit alors ce qui s’était passé quelque trois cents ans plus tôt : tout ce qui était jeune, vacant et d’humeur vagabonde dans les ateliers d’Anvers ou de Liège, tout le trop-plein de la verve et de la production flamandes vient à Paris en quête d’une occupation.

On a fait un livre précieux sur les artistes des Pays-Bas qui vinrent à Rome ou y vécurent pendant les deux siècles classiques. Quel dommage que le pareil n’existe pas pour la France ! Un tel ouvrage éclairerait certains côtés trop peu connus de notre histoire de l’art. Deux fois, à vingt ans d’intervalle, van Dyck passe par Paris pour tenter la fortune, et se met sur les rangs dans l’espoir de décorer la galerie d’Apollon. Qui pourrait dire au juste ce qu’y font un van Mol ou un van Egmont, et quelles traces y demeurent encore de leur passage ? Combien de Parisiens connaissent la coupole de l’église des Carmes de Vaugirard, et savent que la peinture en est de Theodor van Thulden ? Le nom de Jean Warin est peut-être plus populaire parce que, comme directeur de la Monnaie du Louvre, il a passé pour le premier médailliste de son temps, et qu’il est l’auteur de quelques statues ou bustes très connus de Richelieu et de Louis XIVe Sa famille, devenue provinciale, gravait encore de père en fils jusqu’aux dernières années du XIXe siècle.

Parmi ces Flamands accourus pour profiter des aubaines de la Régence, une figure se détache par un air tout particulier de dignité morale, par un sentiment de pudeur et par une attitude à la fois austère et discrète d’ami de la famille : c’est Philippe de Champagne, le peintre de Port-Royal.

C’était un Flamand de haute taille et de grande santé, ayant