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à la grande différence de l’empereur Nicolas, d’aucun sentiment malveillant contre la France et en la plaignant sincèrement, je crois, de ses malheurs actuels… Il a peu de goût pour la République qu’il ne peut comprendre, et la peur de la Révolution lui fait chercher aujourd’hui à Berlin le point d’appui nécessaire pour sauvegarder sa couronne et ce qu’il considère comme les intérêts de la Prusse. »

Un peu plus tard, à la suite des télégrammes de félicitations réciproques, échangés entre Alexandre et Guillaume et qui, même à Saint-Pétersbourg, produisent l’effet le plus pénible, Gabriac ajoute :

« Nous n’avons rien à espérer de la Russie que des bons offices excluant toute pression morale, toute attitude comminatoire. La Russie est neutre mais d’une neutralité favorable à la France ; l’Empereur est neutre, mais d’une neutralité favorable à la Prusse, et il gouverne un pays sans initiative, mal façonné, qui peut conspirer quand on le pousse à bout, mais qui ne sait pas réagir au grand jour. L’Empereur aujourd’hui est donc prussien. Toutefois, l’avenir est à nous, ici comme partout, et, j’aime à le dire, même au milieu de nos désastres. »

Sans insister sur ce qu’il y a de contradictoire dans les lignes qui précèdent et sans nous demander comment l’opinion d’un pays dépourvu d’initiative et qui ne sait pas réagir pourrait l’emporter sur les dispositions de l’Empereur, il y a lieu de remarquer que l’optimisme final de Gabriac pouvait se justifier. Alexandre avait reconnu sans hésiter le gouvernement de Thiers et avait affirmé qu’il accueillerait avec bienveillance l’ambassadeur de la République.

Il faut dire aussi que trop souvent des circonstances inattendues venaient affaiblir ce qui nous était favorable dans ses dispositions. Un jour le bruit se répand que le Polonais Berezowski qui, en 1867, à Paris, a voulu l’assassiner et qui a été condamné en France à la réclusion perpétuelle, va être gracié ou même l’a été. A peine divulgué, le fait est formellement démenti. Mais, à Saint-Pétersbourg où ce démenti arrive tardivement, l’effet produit par cette fausse nouvelle n’en est pas moins déplorable. Puis c’est l’insurrection de la Commune qui vient aggraver les méfiances de l’Empereur, le faire douter de la solidité du gouvernement de Thiers. Fort heureusement, la résolution et l’énergie avec lesquelles le chef du pouvoir exécutif