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votre frère n’a pu vous les fournir lui-même. Je me borne d’ailleurs à vous signaler sommairement trois points dans le cas où vous réimprimeriez un jour cette Notice.

« 1° Mes relations avec Alfred de Musset remontent à la fin de janvier 1833, et elles commencèrent d’une façon vraiment charmante, que je n’ai pas oubliée. Si vous le voulez, je vous en donnerai les détails, qui feraient un petit chapitre caractéristique des mœurs littéraires du temps.

« 2° Contrairement à ce que vous dites page 32 de votre Notice, Alfred de Musset avait trouvé, dès octobre 1838, un bien autre protecteur, un bien autre abri que celui que vous citez[1] . C’était tout simplement son ancien camarade du Collège Henri IV, le Duc d’Orléans ; c’était aussi le Ministre de l’Intérieur d’alors, M. le comte de Montalivet, qui le nomma conservateur de la Bibliothèque de ce département. J’ai été fort mêlé à cette affaire, je puis même dire que j’ai eu une grande part à la nomination du poète, et je puis vous fournir, à ce sujet, des détails curieux que vous ne paraissez pas avoir connus.

« 3° Quant à ce que vous dites, pages 32 et 33 sur l’éditeur de ses œuvres, qui vint le sauver du désespoir, je ne sais à qui vous avez pu prendre de pareilles informations, où je ne trouve rien d’exact. J’ai été aussi fort mêlé à cette affaire, et je puis dire que sans moi, rien ne se serait fait. Les détails que je suis en mesure de donner là-dessus changeraient singulièrement la face des choses. Nous sommes encore ici deux survivans, ayant tous les deux eu part à cette négociation, que votre frère, avec son imprudence ordinaire, sut si bien tourner contre lui-même, presque aussitôt qu’elle fut conclue.

« De 1833 jusqu’à sa mort, j’ai eu de constans rapports d’amitié avec votre frère, quoique parfois légèrement troublés par les embarras qu’il se créait si follement par son imprévoyance ; je suis venu plus d’une fois à son appel pour le sauver de lui-même, et le tirer des pièges où il se laissait prendre, mais je ne l’ai pas sauvé du désespoir qui frappait si souvent à la porte de ce cher et malheureux grand poète[2]. D’autres ont-ils fait ce miracle ? et à quelles conditions ? Pour moi, je suis assez incrédule, et c’est ce qu’il faudrait examiner de bien près.

  1. « Un jour il connut la pensée de chercher un remède à sa souffrance même, en faisant le récit d’un poète condamné par la nécessité à un travail qu’il méprise, etc. » p. 32.
  2. « Un jour il connut la pensée de chercher un remède à sa souffrance même, en faisant le récit d’un poète condamné par la nécessité à un travail qu’il méprise, etc. » p. 32.