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d’une offensive maritime des Alliés était nettement écartée. Tout ce que pouvaient faire ces organismes navals déconcertés par une guerre dont ils n’avaient pas su prévoir les surprenantes modalités et à laquelle, surtout, ils ne savaient pas encore adapter leurs concepts, c’était de se défendre contre les sous-marins en cours d’opérations à la mer.

Et ainsi, d’une part, on rendait avec usure aux Alliés le mal qu’avait pu causer un blocus aujourd’hui supprimé, en fait, par la conquête de la Russie, de l’autre on leur interdisait toute opération qui pût inquiéter les populations du Nord de l’Allemagne, préoccuper l’état-major à l’égard de la sûreté des flancs de ses forces continentales et donner aux neutres du Nord quelque velléité de révolte contre les brutales exigences de la Wilhelmstrasse.

Cet édifice de paisible sécurité se trouve tout d’un coup ébranlé, juste au moment où il apparaît aux moins avertis que le « triomphe de Saint-Quentin » n’a pas eu de lendemain, que d’énormes sacrifices de vies humaines, avoués au Reichstag par le colonel von Wrisberg, n’ont donné aucun résultat décisif, que la guerre sous-marine n’a pas tenu non plus tout ce qu’on avait promis, que les paysans de l’Ukraine cachent leurs blés, que ceux de Roumanie en feront autant pour la récolte prochaine et que le peuple est au bout de sa résignation, tandis que certains neutres, auxquels on en voudrait imposer, sont au bout de leur patience.

En Angleterre, chez nous, chez tous les Alliés d’Occident, au contraire, ce simple coup de main, dont les résultats matériels peuvent encore être en quelque mesure discutés, a produit un effet moral considérable et comme une sorte de soulagement. Enfin, il est donc rompu, le charme surprenant qui enchaînait cette merveilleuse force navale à un rivage trop jalousement gardé contre des périls imaginaires ! Et sans doute, la Grand fleet et ses énormes unités n’avaient point donné, mais on sentait bien qu’elles devaient être toutes prêtes, — quelque part, au large de Terschelling de Hollande, — à se jeter sur la Hoch seeflotte, si celle-ci, avertie en temps utile, avait prétendu intervenir.

Mais mieux encore et, si nous parlons de charme, celui qui protégeait jusqu’ici la côte allemande, s’évanouissait brusquement. Hé quoi ! on avait osé s’en prendre au port le mieux