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D’une part, — comme nous l’avons déjà montré, — cette influence exige que la vitesse initiale correspondant à cette portée soit supérieure à ce qu’elle serait dans le vide (elle doit être en fait voisine de 1 400 mètres). D’autre part, elle rend la vitesse restante au point de chute, non pas égale, mais nettement inférieure à la vitesse initiale. Cette vitesse restante est d’ailleurs encore très supérieure certainement à 330 mètres par seconde qui est la vitesse du son. La preuve en est qu’au voisinage des points de chute à Paris, le bruit de l’éclatement n’est précédé d’aucun sifflement prémonitoire. Il en serait différemment comme dans le cas des obusiers et des mortiers, et même de certains canons à fin de trajectoire, si le son allait plus vite que l’obus à son arrivée. En effet, dans ce cas, le sifflement qui est dû aux irrégularités du frottement de l’obus contre les couches d’air précéderai ! la chute de celui-ci.

La résistance de l’air, et surtout sa diminution avec l’altitude ont d’autres effets curieux sur la vitesse du projectile. C’est ainsi que cette vitesse, — tout cela est facile à démontrer, mais je fais grâce des calculs à mes lecteurs, — passe par un minimum, non pas. au sommet même de la trajectoire, mais après ce sommet. Ensuite, alors que l’obus retombe, cette vitesse croit. Mais elle ne croît pas indéfiniment. Si la densité de l’atmosphère était partout constante, elle croîtrait jusqu’à une certaine valeur maximum correspondant à l’instant où la retardation de l’air est égale à l’accélération du mouvement, puis elle resterait constante.

Huyghens avait déjà, il y a deux siècles et demi, signalé ce phénomène :

« Un corps, disait-il, en tombant à travers l’air, augmente continuellement sa vitesse, mais toutefois en sorte qu’il ne peut excéder ni même atteindre un certain degré qui est la vitesse qu’il faudrait à l’air soufflé de bas en haut pour tenir le corps suspendu sans pouvoir descendre ; car alors, la force de l’air contre ce corps égale sa pesanteur. J’appelle cette vitesse pour chaque corps sa vitesse terminale. »

Mais en poursuivant le raisonnement d’Huyghens, — que confirme le calcul, — et en tenant compte que, dans le cas qui nous occupe, la densité de l’air décroit beaucoup et vite du sommet de la trajectoire au sol, on arrive à cette conclusion singulière que notre obus, non seulement n’a pas à partir du sommet de sa course une vitesse croissante comme il ferait dans le vide, non seulement n’a pas une vitesse d’abord croissante puis uniforme, comme il ferait dans un air homogène, mais en réalité a une vitesse qui croît d’abord, passe par un