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adolescents le français ou l’anglais, le russe ou l’allemand. « Si on ne sait pas le japonais, disent aujourd’hui les Coréens, on n’est pas un homme. » En tout cas, on n’est pas un homme moderne, et l’on est exposé à avoir des démêlés avec l’administration, car autant le Coréen apprend vite la langue japonaise, autant les Japonais éprouvent de difficulté à parler la langue coréenne et généralement toute langue étrangère. Il valait mieux fonder, comme le gouvernement l’a fait, un Institut technique et un Laboratoire de Chimie où se préparent de bons ouvriers pour le tissage, pour la teinture, pour la céramique, pour toutes les industries. Les Lettrés et les fils de Lettrés ne méprisent plus aujourd’hui le travail manuel, et, au lieu de perdre leur temps à étudier dans les livres confucéens les vingt manières de porter son chapeau où à tenter, jusqu’à la vieillesse, les examens du baccalauréat, ils commencent à prendre le chemin des usines et des manufactures. Les femmes enfin reçoivent une instruction pratique qui, assurément, ne les rendra pas plus heureuses, mais qui permettra aux Coréens d’acheter de la toile et la soie tissées chez eux. Et, comme complément aux leçons des écoles, le gouvernement envoie partout des spécialistes qui distribuent aux paysans des graines, des semis, des instruments agricoles, et qui leur font des conférences sur l’exploitation des fermes et sur l’élevage des bêtes. Je pense qu’ils leur ont appris à traire les vaches. Jadis le lait était un luxe réservé au Roi. « Et l’on trayait la vache, me dit un Coréen, avec toutes sortes d’égards. — Lesquels ? lui demandai-je. — Voici, me répondit-il : on commençait par la renverser sur le dos, les quatre pattes en l’air… » Quant aux moutons et aux chèvres, le Roi seul, et quelques privilégiés, avaient le droit d’en élever. Les moutons étaient sacrifiés à ses ancêtres ; les chèvres, à Confucius. La culture de la pomme de terre était défendue. Il était interdit de toucher aux mines. Jamais gouvernement ne s’ingénia à maintenir son peuple dans un tel état d’ignorance et de dénuement. Les Japonais avaient tout à faire ; et, s’ils n’ont pas fait encore davantage, la faute en retombe sur leur pauvreté. Il ne leur manque que l’argent pour mettre en valeur ce pays que leur imagination avait semé de trésors.

Ils ne s’efforcent pas seulement de l’instruire et de lui créer, des ressources matérielles : ils se préoccupent aussi de le