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qu’il retrouvait soudain d’être lui-même, il s’arracha d’un coup à l’épaisse désolation ambiante pour s’en faire une solitude. Et ce fut d’un pas singulièrement allégé qu’il continua sa ronde, rassemblant les énergies en déroute et semant de gaies paroles, dans la joie un peu ivre de s’être dépris de l’embourbement universel.


Ce Baltis, composé comme à plaisir pour une orgueilleuse inutilité, voici qu’il est mort, grandi par son stage à l’école du réel. Mais si sa dernière étape peut être jugée la plus belle, elle n’a rien aboli de ce que les autres avaient glané d’essentiel. Ce serait dresser une mauvaise louange à cette fin glorieuse, que d’y voir le couronnement d’une conversion, car elle n’implique point de reniement. Et si l’abbé David la compare à celle d’un martyr, il en faussera le sens en son amitié pieuse. Baltis n’avait du martyr ni l’absolue conviction, ni l’esprit de sacrifice, ni l’appétit de la mort.

« La France mérite d’être aimée non pas avec passion, disait-il, mais avec dilection. » Il ne croyait pas en elle sans contrôle. Sun amour avait des véhémences, mais aussi des réserves et des lucidités ; les actes dont il la défendait n’en étaient pas moins précis. Elle était la terre où il se reconnaissait le mieux en revenant des autres, la gardienne d’une culture qui résume toutes les autres parce qu’elle n’en excommunie aucune, et sait toujours rappeler à la première place l’intelligence aux fins vouloirs. Hardie par l’esprit et modérée en ses désirs, elle est la source généreuse des tentatives et des renaissances, et, de siècle en siècle, se parfait et se repose en d’harmonieux équilibres. Elle venait enfin de montrer, dans une levée d’armes qui avait stupéfié ses ennemis, qu’elle est toujours une admirable nation de guerriers, quand il lui faut surgir pour sa sauvegarde.

Ainsi, dans sa mission de soldat, Baltis était séduit par le but : lutter pour la victoire française. Mais il avait marché vers ce but avec une incomparable aisance, parce que la qualité d’action requise concordait avec ses préférences profondes. Il avait pu se donner vraiment de tout son cœur.

Il se plaisait dans le risque et s’amusait dans le danger. Entre lui et ses hommes s’était établi un rapport d’ascendant