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comme ces pierres, ces perles, ces tableaux, ces châteaux ont une valeur vénale, peuvent s’échanger contre de la monnaie, et que cette monnaie est en elle-même, ou par l’intermédiaire des valeurs mobilières ou foncières qu’elle est susceptible d’acquérir, capable de procurer des revenus, nous rangerons au nombre des capitaux des objets qui, par eux-mêmes, sont inféconds. Dans le monde moderne, tout ce qui a été approprié par les hommes, c’est-à-dire tout ce qui est entré dans la fortune particulière de chacun d’eux, est susceptible d’être transformé en monnaie, et cette monnaie, à son tour, a la vertu de procurer à son détenteur n’importe lequel des objets matériels il désire : c’est cet état de choses qui amène, dans l’opinion vulgaire, la confusion à laquelle nous nous heurtons à chaque pas : elle identifie le capital avec le numéraire, ou les signes immédiatement représentatifs de ce numéraire, billets de banque, lettres de change, rentes, obligations, actions.

Et cependant cette facilité de transmutation du numéraire en valeurs mobilières fait courir au possesseur des dangers beaucoup plus grands que ceux qui sont inhérents à la détention des autres richesses. Les prix des terres, des maisons, varient beaucoup moins que ceux des fonds d’Etat ou des parts d’entreprises qui s’échangent quotidiennement aux Bourses des divers pays. Le capital représenté par les premières est infiniment plus stable que celui qui s’incorpore dans les seconds.

Voilà une vérité qui devrait être présente à l’esprit de ceux qui se déclarent les ennemis du capital et qui regardent les propriétaires de certaines formes de la richesse comme des privilégiés, n’ayant d’autre peine à prendre que celle de détacher leurs coupons à l’échéance.

Un autre point de vue n’est pas moins important à considérer, c’est l’origine du capital. Il ne peut se constituer que par l’effort humain, par la privation que s’impose l’homme ayant à sa disposition une richesse qu’il pourrait être tenté de consommer sur le champ, et qu’il met de côté pour en tirer plus tard un avantage. Est-il juste dès lors de le priver du fruit de son économie ? Qu’arrivera-t-il, si on prétend lui enlever tout ou partie de ce qu’il a épargné ? Il cessera d’agir dans ce sens, il dépensera tous ses revenus, et les richesses disparaîtront au fur et à mesure de leur création.

Tout l’effort de la civilisation tend à multiplier la