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allons en reconnaissance, rampant sur des cadavres. Heureuses surprises du hasard ; sur la droite, nous rétablissons la liaison avec le 8e bataillon de chasseurs.

Nous subîmes à la nuit, et pendant trente heures ensuite, un bombardement des plus violents. Auprès de nous, par des flammes, les chasseurs furent attaqués ; mais sur notre aile, nous étions parés. L’assaut avait permis de regagner une crête et de reconstituer sur le front, alors rompu, un point d’appui solide qui a permis ensuite de rétablir la ligne. L’ennemi, depuis ce jour, a pu s’y attaquer ; malgré ses volontés, plusieurs fois exprimées, et qu’attestent, par centaines, ses cadavres devant notre terrain, le 20 mai, quand nous revînmes au Mort-Homme, la ligne n’avait pas bougé.

Il y a un fil dans nos destinées ; il nous apparaît à de certains jours. Le 9 avril 1915, mon régiment d’origine et d’élection emporta les Eparges ; il était cité à l’ordre de l’armée. Le 9 avril 1916, dans un autre corps, ma compagnie regagnait le Mort-Homme ; elle était à son tour citée à l’ordre de l’armée[1]. On se plaît par instants à s’appuyer sur deux gloires.

  1. Le général commandant la 2e armée cite à l’ordre de l’armée : la 11e compagnie du 151e régiment d’infanterie ; le 9 avril 1916, est montée à l’assaut dans un ordre admirable, les hommes riant et chantant. A ainsi franchi sous un feu violent de mitrailleuses et d’obus de gros calibres, les quatre cents mètres séparant la tranchée de départ de la tranchée à conquérir. Y est parvenue malgré ses pertes et s’y est maintenue pendant trente-six heures sous un bombardement furieux.
    Signé : NIVELLE.
    Rappel de ce fait se trouve dans la nouvelle citation attribuée à un an de distance par le général commandant le 32e corps à la 11e compagnie :
    « Le général commandant le 32e corps cite à l’ordre du corps d’armée la 11e compagnie du 151e régiment d’infanterie : « Compagnie d’élite, s’est toujours montrée digne d’elle-même. Déjà citée à l’ordre de l’armée. Commandée alors par le sous-lieutenant Jubert, avait, le 9 avril 1916, au Mort-Homme, repris en riant et chantant les positions perdues. Le 16 avril 1917, sous le commandement du capitaine Webanck, alors que le dispositif était arrêté par la résistance allemande devant la deuxième position, s’est tout entière levée sous un bombardement furieux pour rendre les honneurs à son colonel qui la traversait : a eu son fanion mis en loques au cours de l’action, sa mascotte mise en pièces et leurs porteurs blessés. Le 16 avril 1917, au cours de l’offensive, et les jours suivants, durant les contre-attaques de l’ennemi, a manifesté en toutes circonstances cet esprit de discipline souriante, d’héroïsme joyeux et d’élégance devant le danger qui sont ses traditions.
    Signé : PASSAOA.
    Au cours de cette dernière action, l’auteur de ces pages a été lui-même cité à l’ordre de l’armée et promu dans la Légion d’honneur pour le motif suivant :
    Jubert Raymond, sous-lieutenant à titre temporaire (réserve) au 151e régiment d’infanterie, 11e compagnie : brillant officier, d’une haute valeur morale, véritable entraîneur d’hommes. S’est fait remarquer en Argonne, sur la Somme, à Verdun par sa belle conduite au feu. Deux fois cité à l’ordre. Le 16 avril 1917, a brillamment entraîné sa section à l’assaut. Blessé, a néanmoins continuée diriger la progression et ne s’est laissé évacuer qu’après en avoir reçu l’ordre.