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l’assurance du gouverneur général Grüner : Qui parle allemand doit rester allemand[1]. » C’est par de tels mensonges et au nom de cette morale historique que l’âme allemande contemporaine a été façonnée.


V

Mais prendre, en foulant aux pieds ses engagements et contre tout droit, des terres lorraines et des populations attachées à la France, ne suffit point encore au gouvernement prussien. Après la ratification du traité du 20 novembre, il eut l’incroyable impudence de réclamer du gouvernement français la remise des travaux graphiques exécutés par les ingénieurs de notre Ecole de Geislautern et, en particulier, la livraison de l’atlas de prospection du bassin de Sarrebrück, dressé de 1807 à 1812 par Duhamel et Calmelet. Il faut lire dans l’ouvrage de M. Engerand le récit vraiment émouvant des précautions que prirent nos ingénieurs pour soustraire ce précieux atlas aux recherches de Justus Grüner, puis à celles des autres agents prussiens. L’ingénieur Th. de Gargan l’emporta, la nuit, chez Villeroy, à Vaudrevange, et au risque d’être emprisonnés, peut-être passés par les armes, tous deux cachent comme un trésor ce recueil qui contient le secret des richesses minières de la contrée. Ils informèrent le gouvernement français qui, — rendons-lui cette justice, — fit longtemps la sourde oreille aux réclamations des Prussiens. Ce fut seulement deux ans plus tard, en juin 1817, que le gouvernement français envoya Th. de Gargan pour reprendre l’atlas qui fut, enfin, livré à la Prusse.

La lettre-décharge de cette remise des plans des mines de Sarrebrück au commissaire prussien Weiskirch est conservée aux Archives nationales. Elle énumère en détail les pièces et les registres cédés, et cette nomenclature, remarque M. Engerand, suffit à faire apprécier l’importance de l’œuvre. Les Prussiens possédaient donc ce qu’ils avaient cherché si longtemps. Ils pouvaient désormais, en se servant du travail de l’Ecole française de Geislautern, se mettre en toute sûreté et sans délai à l’exploitation du terrain exploré. Ils étaient assurés, enfin, que des concessionnaires français, bien informés

  1. H. von Treitschke, Deutsche Geschichte, t. I, p. 559.