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au même Edward Lyall Fox et l’inviter, en janvier 1915, à rentrer en Allemagne, toutes ses dépenses payées par le gouvernement allemand et avec traitement assuré de 1 000 marks par mois.

En même temps qu’il organise sur ces bases la propagande par l’information et la presse, il songe à tirer parti pour cette même propagande du plus populaire des spectacles, du cinématographe. Il veut réaliser ce profit aussitôt. Sur sa demande, des kilomètres de films sont expédiés de Berlin, qui rendront les traits, le sourire du Kaiser, du kronprinz, puis feront connaître, dans toutes les villes et tous les villages des Etats-Unis, la puissance formidable de l’armée allemande. Enfin, en d’innombrables scènes familières seront montrés la force, la discipline, l’héroïsme et aussi bien la bonté, l’humanité du soldat allemand.

Ces films, intercalés parmi d’autres purement mélodramatiques ou sentimentaux, seront présentés, expliqués par des conférenciers professionnels. D’autres conférenciers et interrupteurs de réunions publiques parcourront les Etats-Unis, parlant partout et toujours, à propos de la guerre, de la grandeur et de la puissance de l’Allemagne. A eux reviendra la tâche de vendre ou distribuer des livres et tracts, aux documents tronqués ou faussés, et qui tendront à prouver que la responsabilité de la guerre revient tout entière à l’Angleterre, tandis que dans cette guerre l’Allemagne — l’innocente Allemagne ! — n’a fait que défendre ses institutions, son sol, son droit d’exister.


L’AFFAIRE DE « LA LUSITANIA »

La machine, ainsi soigneusement organisée, fonctionne à souhait. L’ambassadeur en a déjà constaté l’excellent rendement : il le rêve meilleur dans l’avenir. C’est alors qu’éclate brusquement la nouvelle du fait qui, semble-t-il, doit renverser d’un coup tout le plan si minutieusement élaboré. L’annonce du torpillage et coulage du paquebot Lusitania, avec de nombreuses perles de vies américaines, se répand tout à coup. Elle détermine aussitôt contre l’Allemagne, dans tous les États-Unis, la révolte spontanée, la levée unanime d’indignation que l’on sait. Quelle sera alors l’attitude de l’ambassadeur ?