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compte rendu qui dépasserait en finesse, en humour, les meilleures scènes de la plus haute comédie. On a assuré qu’on avait vu, après l’un d’eux, le comte Bernstorff sortir en se frottant les mains. Personne n’a vu, mais on imagine de reste, le sourire « bien petit » qui s’allumait au même moment dans les yeux du Président.

Nous voici arrivés au mois de janvier 1917. Les coups, dans la finale bataille diplomatique, se font plus rapides en même temps que plus sournois. Chaque jour apporte un fait nouveau, une nouvelle preuve de l’activité de l’ambassadeur allemand et de l’intensité de la propagande de l’Allemagne aux États-Unis. Aussi, la double politique de promesses et de menaces suivie depuis longtemps déjà, la politique « de la tartine de miel et de la massue » s’accuse maintenant à des intervalles plus rapprochés et presque simultanés. Il faut que le peuple américain se prononce entre deux alternatives. Ou bien le peuple américain doit se faire complice du désir qu’a maintenant l’Allemagne d’entraîner les belligérants à une paix prématurée et par laquelle elle pourra affirmer son rêve ambitieux de Mittel Europa. Ou bien le même peuple américain qui a dit, répété, prononcé qu’il avait horreur de la guerre, doit être prêt à accepter toutes les horreurs d’une guerre avec la puissante et terrible Allemagne.

Quelle fut la part de l’ambassadeur dans la démarche finale de l’Allemagne ? Mit-il, comme on l’a dit, tout son effort à s’opposer à cette démarche ? Ou bien, sachant depuis longtemps l’obstination routinière de la Wilhelmstrasse, et sûr de la vanité de son effort, ne fit-il opposition que dans la mesure où il pourrait plus tard se glorifier de cette opposition pour rejeter blâme et responsabilité sur les bureaux prévenus par lui et qui avaient passé outre ? L’une et l’autre conjonctures sont vraisemblables. La seconde, pour qui a connu le tour d’esprit de l’ambassadeur, retient davantage.

Le fameux télégramme du 22 janvier nous inclinerait à croire que le, comte Bernstorff n’avait pas perdu alors tout espoir de garder encore l’Allemagne en paix avec les États-Unis… Du reste, il peut tout aussi bien prouver que les bureaux de la Wilhelmstrasse avaient seulement négligé de prévenir leur ambassadeur de leurs derniers projets.

Quoi qu’il en fût alors, on sait comment le gouvernement