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introduisent dans la langue, car ils sont toujours le signe et la preuve d’un progrès.

Dans la fabrication du coton-poudre on tend de plus en plus à employer, au lieu de l’acide sulfurique ordinaire, un mélange de cet acide et d’anhydride sulfurique, c’est-à-dire, comme son nom l’indique (car toujours un peu de grec atticise la chimie), d’acide dépouillé de toute molécule d’eau. C’est un mélange qu’on fabrique plus difficilement que l’acide ordinaire, mais qui est bien plus efficace, car il donne une nitratation mieux faite et permet de rendre leur capacité déshydratante à des bains ayant déjà servi et affaiblis. Ce mélange c’est l’« acide sulfurique fumant » de nos jeunes années de collège ou, comme on l’appelle aujourd’hui à cause de son aspect huileux, l’oléum. L’oléum est devenu un des produits les plus indispensables de la chimie de guerre. Sa grande importance vient de ce que plus l’acide sulfurique est concentré, plus il permet d’économiser l’acide nitrique du mélange, qui est un produit précieux. L’oléum qu’on fabrique le plus couramment contient environ 20 pour 100 d’anhydride, de sorte que 100 kilogs de cet oléum équivalent, comme déshydratant à 105 kilogs environ d’acide sulfurique proprement dit. Il suffira d’ajouter de l’oléum à de vieux bains dilués pour régénérer en partie leur valeur.

Je m’excuse auprès de mes lecteurs de ces détails techniques et de ces chiffres, mais c’est de ces choses qu’est tissée aujourd’hui la trame fluide de nos destinées. Et puis, pour celui qui sait réfléchir et s’imaginer les objets, est-il rien de plus éloquent, est-il rien qui contienne plus d’émotion et d’action concentrée qu’un chiffre représentatif ?

Si, à côté de la poudre qui est l’explosif propulseur de nos armes à feu, qui est, si j’ose dire, l’arc tendu derrière les obus et les balles, ces flèches modernes, nous considérons maintenant les explosifs brisants que les projectiles emportent dans leur ventre rebondi et qui, au but, assureront leur éclatement meurtrier, nous allons faire des constatations analogues aux précédentes.

Les explosifs brisants qu’emploient les artilleries adverses sont assez variés ; cela provient de ce que chacun des belligérants a été amené à utiliser pour leur fabrication des matières premières diverses. Mais, en fait, les Allemands utilisent les mêmes explosifs que nous, tous étudiés dès avant la guerre. Seule leur importance relative diffère d’un pays à l’autre. C’est ainsi que les Allemands emploient à la fois la tolite et l’acide picrique, mais tandis que nous produisons beaucoup plus de celui-ci que de celle-là