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espérances balkaniques et polonaises, que les Habsbourg se transmettent l’un à l’autre, comme un héritage dynastique.

Une des conséquences logiques de la complicité des Empires centraux dans les stipulations de Brest-Litovsk et de Bucarest, de leur égale avidité dans les curées russe et roumaine, est le resserrement de leur union, qui va devenir à la fois politique, militaire et économique. Peut-être cet événement ne serait-il pas survenu aussi vite, si l’on était resté à Berlin dans l’ignorance du, rapprochement personnel, esquissé en secret par le « brillant second » de Vienne du côté de l’Entente. Mais la défiance qu’on avait déjà de la docilité du jeune Habsbourg et de la diplomatie à double jeu de son ministre Czernin, aurait de toutes façons rendu inévitable, pour s’assurer de leur fidélité, la signature d’un pacte plus étroit. Ce que sera cette fusion austro-allemande, il est aisé de se le figurer, d’après les commentaires complaisants de nos ennemis : une grande caserne, une usine unique, une seule école, où seront enseignées les méthodes de guerre et de travail de Berlin.

Voici donc l’Autriche, traînant après elle la Hongrie, réintégrée dans la fédération germanique, d’où elle était sortie par la grande porte il y a plus d’un demi-siècle, à la suite d’une guerre malheureuse, mais honorable. Elle y rentre aujourd’hui par une porte basse, non en égale et la tête haute, mais réduite au rôle de cliente et de protégée, presque au métier de servante du maître qui y règne.

C’est là un fait d’une importance et d’une portée très graves, dont nous sommes obligés de tenir compte à la veille d’une reconstruction de l’Europe. Le bloc des Empires centraux ne pourrait être dissous, que par la force, après un écrasement total de nos ennemis. Même une décomposition de l’Autriche n’aurait pas un résultat aussi complet. Si les Polonais, les Tchéco-Slovaques et les Yougo-Slaves parviennent à se constituer en nations indépendantes, comme le souhaitent ardemment tous les amis de ces nobles opprimés, les Autrichiens en profiteront pour se rattacher à l’Allemagne. Personne n’ignore la fascination qu’exerce sur eux l’unité allemande ; elle n’était combattue que par leur fidélité héréditaire à leurs vieux maîtres habsbourgeois. Quant aux Magyars, entourés d’ennemis, ils n’auraient d’autre ressource que de se cramponner au germanisme. La langue allemande, qui fut honnie à Budapest du