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vous envoie donc votre filleul, avec la plus chauds recommandation.

« Votre tout dévoué,

« HENRI HEINE[1]. »


Cette gaieté, ce léger persiflage, cet esprit endiablé émanent de ce pauvre être torturé, qui signe quelquefois aussi ses lettres : « le moribond à Heine. »

En 1849, toujours malade, il écrit au directeur de la Revue : « Je voudrais bien vous voir, et causer avec vous de choses assez importantes, mais-mille raisons, non moins importantes, m’empêchent de me rendre chez vous ; la première de ces raisons est que, depuis sept mois, je n’ai pas quitté le lit, condamné de rester couché sur le dos, où on m’a brûlé quatre grandes plaies, qui me font beaucoup souffrir à l’heure qu’il est ; il faut donc que vous veniez chez moi, et je vous prie de ne pas me faire trop attendre votre visite, qui en outre me fera grand plaisir[2]. »

Après cela, il ne se relèvera plus guère, et le temps des espiègleries est passé ; il ne mystifiera plus personne, ou du moins ses malices, il les décochera du matelas où, nuit et jour, il gît… et souffre ; car il restera « matin comme un diable » jusqu’à la fin ; mais « il est bon, » dit Gautier, qui le connaissait bien.

Un des derniers « mots » de à Heine, dans le cabinet du directeur, fut prononcé par lui vers 1846, — ou 1847 ; le voici :

Heine arrive à la Revue dans le bureau de F. Buloz, l’air absorbé, ce qui n’est pas dans ses habitudes ; F. Buloz s’étonne, lui demande ce qu’il a, s’il est souffrant :

— J’ai, répond Heine, que je viens de rencontrer X… devant la porte, je me suis arrêté avec lui un instant, nous avons échangé nos idées, et je me sens tout bête

Sur une organisation aussi sensible, sur un système nerveux aussi ébranlé, les ennuis matériels laissaient Heine frémissant, et ensuite prostré ; puis de nouvelles crises survenaient… Sous le coup d’un procès avec l’éditeur Lecou, qui, sans son aveu,

  1. M. Legras a publié dans l’appendice de son livre sur H. Heine le brouillon ( ? ) de cette lettre dont je possède l’original.
  2. Septembre 1849, inédite.