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ces efforts universels qu’il faut signaler une fois de plus la situation lamentable où se trouvera la France.

On sait qu’avant la guerre, nous étions tombés rapidement au cinquième rang, après avoir occupé le second (après l’Angleterre, l’Allemagne, les États-Unis et la Norvège ; à peine au-dessus du Japon ou des Pays-Bas). Nous avions alors environ 2 500 000 tonnes, dont nous avons déjà perdu 711 000 tonnes, ou 28,44 pour 100, avant la fin de 1917. À ce moment, il nous restait 1 500 000 tonnes de jauge brute pour les vapeurs et 215 000 pour les voiliers. Nos pertes, aux cours actuels, représentaient près de deux milliards. Et ce que nous avons fait pour y remédier est à peu près nul.

Au début de la guerre, nous avons, il est vrai, acheté 360 000 tonnes de navires neutres ; et ces achats auraient pu être alors beaucoup plus considérables, si l’État n’avait pas joue son rôle d’obstruction habituel, soit en refusant des crédits, soit en prohibant des achats dans l’intérêt supposé du change, soit en laissant un de ses services accepter de l’Angleterre des conditions restrictives que d’autres bureaux semblaient ignorer, soit enfin en réquisitionnant aussitôt les navires achetés. Puis cette source s’est tarie par les mesures prohibitives prises dans tous les pays et, lorsque des occasions exceptionnelles se sont présentées comme pour les 250 000 tonnes de navires allemands retenus au Brésil, on a vu la Chambre recommencer d’abord son travail de Pénélope habituel. Quant aux constructions, déjà insignifiantes avant la guerre, elles ont été pratiquement interrompues, faute de main-d’œuvre et d’acier. Nous avions soixante cales de construction pouvant recevoir en moyenne un à deux navires par an ; soit, au maximum, une production de 300 000 tonnes avec un travail intensif ; pratiquement, 120 000. En trois ans de guerre, nos chantiers se sont bornés à livrer 140 000 tonnes neuves, qui étaient presque achevées au début des hostilités.

Il est vrai qu’en mars 1917, le Parlement a ouvert un compte spécial, afin de préparer, « pour le jour de la paix, une marine marchande puissante qui donne au pays la place à laquelle il a droit sur le marché du monde, » et que 500 millions doivent être consacrés à la construction de 300 000 tonnes par l’État. Celui-ci s’est également engagé à remplacer les navires perdus par un navire neuf équivalent dans un délai de trois ans après