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et savait inéluctable. Chacun des adversaires a mis en œuvre à cet effet toutes ses ressources et utilisé tous les enseignements de trois années de combats.

En effet, les grandes batailles de 1914, la Marne, la Course à la mer, la mêlée des Flandres forment un drame à part, un brillant prologue en quelque sorte sans lien avec la suite. Il semble qu’en 1915 une deuxième guerre ait commencé. Retranchés derrière leurs fronts respectifs, appuyés d’une part à la mer, de l’autre à la Suisse, les belligérants, au cours d’un long intermède sanglant et confus, s’ingénieront à retrouver la vraie bataille, la bataille de manœuvre qui seule illustre les stratèges. C’est une guerre de soldats et d’ingénieurs : le problème de la percée domine tous les autres. Cette période, si glorieuse soit-elle, n’est qu’un temps d’expériences qui n’aura dans l’histoire du conflit qu’une place restreinte. Les spécialistes militaires trouveront profit à l’étudier, — comme elle sera pour les annalistes de l’héroïsme français une matière inépuisable, — mais l’histoire générale, qui est faite de grandes lignes et d’événements décisifs, lui consacrera relativement peu de pages.

L’Artois et la Champagne, Verdun et la Somme, les offensives de 1917 sur le Chemin des Dames et dans les Flandres, qui en marquent les principales étapes, annoncent la campagne de 1918. Celle-ci est le résultat de ces expériences et elle en est le couronnement. Il faut en tenir compte pour comprendre et juger la deuxième bataille de la Marne.


LE PROBLÈME DE LA PERCÉE. — VEUDUN

La première grande entreprise de percée, nous la trouvons à Verdun en 1916. Certes, les attaques d’Artois et de Champagne en 1915, qui ont précédé la tentative allemande, resteront parmi nos plus beaux efforts ; mais le problème à résoudre n’a pas été suffisamment formulé encore. Faute d’avoir estimé à sa valeur la puissance de l’outillage moderne, nous lui opposons avec trop de confiance la bravoure de nos troupes. L’Allemagne, elle, demande au matériel la force qui lui permettra de renverser la barrière. De plus, elle apporte une méthode. Amoureuse de canons colossaux, fervente de la métallurgie qu’elle a placée au rang des industries impériales, elle pense écraser nos retranchements sous un bombardement quatre fois