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une occasion de manœuvre. Sans compter qu’à cause de la distance assez faible qui le sépare du champ de bataille, Paris court le risque de se trouver bientôt à portée de bombardement normal, ce qui, orgueil de conquérant mis à part, donnerait un résultat militaire sensiblement égal.

Quelles raisons ont pu décider nos ennemis à changer ainsi d’objectif ?

Pour porter secours à leurs Alliés, les Français ont dirigé leurs réserves sur le front britannique. Il était logique de penser que les Allemands, ayant échoué une première fois dans leur dessein de nous séparer, allaient renouveler là leurs efforts. La liaison avec les Anglais étant d’un prix inestimable, il convenait d’y veiller. De là un accroissement de nos forces sur ce front, qui a continué même après l’offensive.

Dans l’ordre des conceptions stratégiques, d’ailleurs, la rupture franco-anglaise vient au premier rang. Si Ludendorff est un stratège digne de ce nom, il ne peut en avoir d’autre. Mais Ludendorff ne cherche que le succès. Il sait combien il en coûte d’attaquer un front défendu par des Franco-Anglais sur leurs gardes. Il a constaté que, depuis le 31 mars, chacune de ses tentatives était devenue plus difficile entre l’Oise et Amiens et que, depuis le 24 avril, le front est bloqué de l’Oise à la mer. Le principal avantage du commandement allemand, c’est la méthode d’attaque dont il est possesseur. L’adversaire n’a pas encore trouvé la parade qui la réduirait à néant. La victoire est devenue une sorte de problème de dynamique. Si toutes les conditions en sont remplies, le succès est certain. La donnée essentielle, le facteur souverain, c’est la surprise. Toutes les raisons stratégiques du monde vont céder devant la nécessité de créer de nouveau la surprise. Le dispositif en demi-cercle du front allemand s’y prête d’ailleurs à merveille. Le Chemin des Dames s’offre, suffisamment dégarni, pour qu’on tente d’aborder ce rempart redoutable. Deux mois sont nécessaires pour achever l’équipement du front dans le plus grand secret. Le 27 mai, la bataille de l’Aisne commence.

Le deuxième acte se déroule comme le premier. La machine allemande marche au rythme accéléré, plus rapidement que la première fois, la surprise ayant été plus complète. La supériorité des effectifs obtenue équivalait à quatre divisions allemandes contre une française ou anglaise, supériorité doublée