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L’Instruction générale avait, d’ailleurs, prévu l’éventualité de combats en retour ou en coups de boutoir : « Le mouvement sera couvert par des arrière gardes laissées sur les coupures favorables du terrain, de façon à utiliser tous les obstacles pour arrêter, par des contre-attaques, courtes et violentes, dont l’élément principal sera l’artillerie, la marche de l’ennemi ou tout au moins la retarder. »

Enfin, l’Instruction générale avait, dans ses paragraphes 7 et 8, indiqué le projet d’une contre-attaque générale en direction de Bapaume-le-Catelet-Bohain-la-Fère, contre-attaque qui serait engagée dès que le général en chef jugerait les conditions favorables.

Sur ces données les deux armées alliées, l’armée anglaise et la 5e armée (armée Lanrezac), se replient dans une direction générale Sud-Ouest qui les rapproche de Paris, non seulement pour protéger la capitale, mais pour gagner les positions d’où l’offensive pourra se déclencher.

Telle est la volonté du haut commandement français.

Mais on n’est pas seul à la guerre, et il faut aussi tenir compte de la volonté de l’ennemi. L’ennemi, malgré les succès obtenus par lui sur la Sambre, a été trop éprouvé pour prendre la poursuite et pour se faire l’illusion de croire qu’il puisse, par une simple galopade, anéantir les armées ennemies. Il est donc obligé de manœuvrer, lui aussi. Après avoir soufflé, il s’en tient au plan élaboré par le grand État-major.

Sur un point seulement, ce plan est modifié : originairement, il visait l’occupation immédiate des ports et de la côte (Dunkerque et peut-être Calais). L’initiative prise par Joffre en attaquant sur la Sambre et la présence de l’armée d’Amade ont mis le général von Moltke dans la nécessité de renoncer, pour le moment, à cet élargissement de son action vers les rivages de la Manche. Entraîné dans le sillage des armées qui sont devant lui, il ne peut se relâcher un instant de la tâche qu’elles lui imposent. Aussi, persuadé qu’il peut les atteindre et leur porter le coup fatal, il se décide à tout sacrifier pour arriver à déborder l’aile gauche de ces armées et à saisir, notamment, l’armée britannique, qui tient celle aile, dans un large mouvement tournant. S’il réussit, il bousculera l’armée French sur l’armée Lanrezac de façon à faire, du tout,