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efficace aux nouveaux alliés. Nos navires de guerre rachèteraient l’honneur violé du drapeau en conquérant aux Slaves du Monténégro le débouché dont ils ont besoin, les Bouches-de-Cattaro, et aux Slaves de la Dalmatie les principales cités de la côte orientale. Lissa, justement appelée, par d’autres, la Malte de l’Adriatique et devenue pour nous le champ d’une défaite imméritée qu’il importe pour l’honneur de notre flotte d’effacer, demeurerait station italienne. Auxiliatrice de la résurrection des Slaves illyriques et de ceux qui constituent une grande partie de la Turquie d’Europe, l’Italie acquerrait, la première entre toutes les nations, droit d’affection, d’inspiration, de stipulations économiques avec toute la famille slave. Les avantages, pour l’Italie et pour l’Europe, sont indéniables... »

Mais il nous tarde d’arrêter une citation trop longue, quoique déjà beaucoup abrégée. Si nous l’avons donnée, on pense bien que ce n’est pas pour la simple curiosité. C’est qu’elle nous introduit, par un chemin que nous préférons à d’autres, au cœur des problèmes actuels. Nos journaux se sont faits l’écho d’une vive polémique, à laquelle toute la presse italienne s’est peu ou prou mêlée, et qu’ont soutenue notamment deux de ses principaux organes, le Giornale d’Italia de Rome, contre le Corriere della Sera, de Milan. On a voulu y voir la manifestation plus ou moins discrète d’un Dissenso, d’un dissentiment dans le sens d’une différence d’opinion, entre le président du Conseil, M. Orlando, et M. Sonnino, ministre des Affaires étrangères; et moins encore entre les deux hommes qu’entre les deux méthodes ou les deux manières. Mais enfin les traits se sont aiguisés, ont failli s’envenimer, et l’on a opposé à la slavophilie du premier on ne sait quelle secrète et étrange austrophilîe du second. De même, et par la même occasion, l’on oppose aux stipulations de la convention de Londres du 26 août 1915 les résolutions du Congrès des nationalités opprimées, qui se tint à Rome cette année, et les conversations de M. Orlando avec le champion de la cause yougoslave, M. Trumbitch. Cette discussion, comme la plupart des polémiques, exigerait toute une série de précisions ou de mises au point. D’abord, c’est peine perdue que de défendre M. Sonnino de l’accusation d’austrophilie, pour la raison majeure qu’il a été, dans le cabinet Salandra, un des trois ministres décidés, dès le premier jour, dans leur cœur et dans leur esprit, à faire sortir, contre l’Autriche, l’Italie de la neutralité où elle s’était provisoirement retirée. Mais il est certain qu’il y a, entre M. Orlando et M. Sonnino, moins des différences d’opinion que des différences de tempérament, et qu’il n’est