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L’armée britannique ayant adopté, pour sa retraite, la voie romaine, la route de Bavai-le-Cateau-Vermand, il ne restait à l’armée Lanrezac qu’une route pour rentrer en France, le « raccourci » de l’Oise, le « doublet. » Un instant même, sur cette route, l’armée française avait rencontré, comme nous l’avons dit, le corps de Douglas Haig. Il y eut là un moment de terrible confusion et qui ne fut pas sans conséquences sur les événements ultérieurs. Quoi qu’il en soit, l’armée française, quittant le champ de bataille entre Maubeuge et la Meuse, s’engagea dans la trouée de Couvin et, sans être sérieusement poursuivie, elle se trouva en trois jours sur une ligne Avesnes-Saint-Michel, sa gauche donnant la main au Ve corps anglais qui se battait à Landrecies et sa droite vers Maubert-Fontaine et Rimogne aux corps de cavalerie de l’armée de Langle de Cary (4e division et 9e division) chargés de faire la liaison. L’armée est donc sur la haute Oise, le 27 ; elle passe la rivière pour s’en abriter et se met à défiler sur la rive Sud, en direction de Ribemont et de la Fère avec l’intention, selon les termes de l’Instruction générale du 25, de se replier sur une ligne Laon-Saint-Erme pour y préparer la contre-offensive.

Elle est tranquille pour sa droite, puisque l’armée de Langle de Cary, qui livre en ce moment les belles batailles de la Meuse et de Signy-l’Abbaye, la prolonge de ce côté ; elle est tranquille pour sa gauche, puisque l’armée britannique est regroupée sur la ligne de la Fère. Mais la situation pourrait être tout autre, si l’armée britannique, se décrochant plus encore vers le Sud, dessinait, en quelque sorte, une poche qui attirerait inévitablement la manœuvre ennemie.

L’armée Lanrezac était suivie par l’armée Bülow, comme l’armée britannique était suivie par l’armée von Klück : les deux armées allemandes, d’une part, les deux armées alliées, d’autre part, glissaient d’un même mouvement vers le Sud-Ouest, séparées seulement par l’étroite vallée de l’Oise, se surveillant la main sur la gâchette du fusil, se hâtant à qui arriverait la première pour surprendre l’autre au but. Cependant, dans cette course, l’armée allemande de tête, l’armée von Klück, entraînée par sa volonté d’aller plus loin encore, pour tourner les forces françaises nouvellement apparues, s’allongeait outre mesure ; elle se distendait, au risque de briser le lien qui la rattachait à l’armée Bülow. Au point de jonction, la