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Elle voit dans ses actuelles assises une garantie de tranquillité. Pourquoi polémiquer désormais, puisque pasteurs, puisque fidèles, ont le droit absolu d’exhiber les plus graves diversités de croyances, dans la même bâtisse ? Et parmi ces expériences religieuses dissemblables, mais abritées sous le même toit, il en est un certain nombre que l’on voit se rapprocher, se coaliser, pour collaborer au curieux mouvement qui çà et là s’ébauche dans le monde en vue de créer, en face du catholicisme romain, une sorte de catholicité réformée, dépourvue d’un dogme collectif, tolérante pour les croyances individuelles, et aspirant à faire régner, sans la définir théologiquement, la personne du Christ.

L’influence collective du corps pastoral sur la vie sociale genevoise est d’ailleurs assez mesurée. « La tendance actuelle, disait à la commission des 19 M. le pasteur Genequand, est de mettre les pasteurs en dehors de tout. Quand est venu le vote sur l’absinthe, on leur a recommandé de ne pas se mettre en avant. Les pasteurs sont des laïques comme les autres, et je proteste contre cette tendance à faire du cléricalisme retourné. » Mais souvent les initiatives mêmes des fidèles réparent l’injuste ostracisme dont sont victimes les pasteurs. De beaux rêves obsèdent les jeunes Genevois qui vont annuellement aux réunions de Sainte-Croix, les jeunes Genevoises qui vont à celles de Montricher : dans ces sortes de retraites s’échangent des expériences religieuses, des immanences religieuses s’épanouissent. Chacun de son côté, ces chrétiens croient sentir à l’abri des assauts de la critique ce qu’ils ont conservé de croyances, puisqu’ils les fondent uniquement sur leur propre expérience. Ils se contentent de cette base et travaillent ensemble. Dans certaines familles où les pères ne s’élevaient guère au-dessus d’un christianisme mondain, on constate aujourd’hui chez les filles et même chez les fils un christianisme plus profond, plus actif, plus quotidiennement à l’œuvre. L’Association chrétienne suisse d’étudiants, rattachée à la grande Fédération chrétienne d’Etudiants qu’organise pour le monde entier l’Américain John Mott, a suscité dans Genève de cordiaux élans. Des ouvriers d’action sociale, comme M. de Morsier et M. de Meuron, pourront plus tard trouver une force dans ces bonnes volontés.

Genève est une ville où les habitudes de charité sont très répandues : quelqu’un l’appelait un jour le bureau de