Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 47.djvu/726

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Regarder sa détresse initiale, les obstacles accumulés contre elle, quels ressorts d’intelligence et d’énergie elle tendit pour les réduire, c’est une façon très sûre de se confirmer dans sa foi en elle, et d’apprendre à la chérir d’un amour, non pas plus tendre, mais plus fier.


I. — AVANT LA GUERRE : LE PROBLÈME DE L’ARTILLERIE LOURDE

Dans la période de paix armée qui sépare les deux grands conflits, la France et l’Allemagne, se fiant l’une et l’autre aux leçons des guerres napoléoniennes et de la guerre de 1870, ne cherchèrent d’abord qu’à améliorer leur seule artillerie de campagne : c’était à qui trouverait le canon le plus rapide dans son tir et le plus mobile. Durant des années, les deux armées rivales durent se contenter de résultats presque identiques : le canon allemand de 88, le canon français de 90, très analogues, se valaient. Mais, en 1896, les Allemands mirent en service un matériel nouveau, leur canon de 77 : ce n’était, dit-on, — est-ce vérité ou fiction ? — que la copie d’un faux modèle français, qu’un faux traître leur avait livré. Presque simultanément, en 1897, sortait des ateliers français le canon de 75, et de ce jour l’égalité fut rompue.

Notre 75 l’emportait par plus de précision, par une portée un peu supérieure, mais surtout par une vitesse de tir plus grande : quinze coups à la minute, et plus, au lieu des deux ou trois coups du nouveau canon allemand. Depuis, vingt ans (>nt passé : les organes divers et les projectiles des deux canons ont été si souvent modifiés, surtout au cours de la guerre, que leurs caractéristiques ne ressemblent plus guère à ce qu’elles étaient alors. On ne saurait se proposer ici, et pour cause, de décrire ces transformations. Il suffira de dire que, si le 75 garde aujourd’hui encore une certaine supériorité sur le 77, il passait chez nous avant la guerre pour un outil infiniment plus efficace. La guerre prouva que cette opinion était juste. Elle reste juste : il n’est pas une armée, de l’aveu de tous, dont l’artillerie de campagne vaille la nôtre.

Mais l’artillerie de campagne n’est pas toute l’artillerie. Il va sans dire que nous possédions des matériels plus puissants que le 75 : des canons de 95, de 120 long, de 155 long, des canons courts de 155, des mortiers de 220 et de 270, — tous