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Ce qui caractérise tout spécialement ces organisations militaires, c’est qu’il n’y a pas de services de l’arrière. Chaque otréad (détachement) doit se ravitailler soi-même. Il dispose d’un train qui, pendant le combat, lui sert de base. Le commandant y accumule les provisions en armes, munitions, matériel d’ambulance, vêtements : il est de ce fait indépendant du reste de l’armée.


UNE RECONNAISSANCE

Chapri, le 1er/14 février 1918.

Depuis que les Allemands ont plus de part au commandement, les gardes rouges montrent plus d’audace. Ils ont une nouvelle tactique et des ruses de guerre inédites. C’est ainsi que, le jour qui précéda mon arrivée sur ce front, les Bolcheviks de Taganrog envoyèrent des émissaires au colonel Koutiepov : ils l’invitaient à s’unir avec eux dans un commun effort contre « l’ennemi national. » De sérieuses querelles auraient éclaté entre les garnisons russe et allemande à Taganrog, on se battrait dans les rues… Koutiepov n’est pas un imbécile : l’affaire en resta là.

Ils essayent maintenant de nous tourner, mais la peur les paralyse. Ils se refusent à avancer autrement que par masses. Leur cavalerie n’ose même pas affronter nos poignées d’officiers en reconnaissance.

Nous supposons que l’ennemi s’est divisé en trois corps, de mille hommes chacun, ayant pour objectif de nous couper la retraite vers Rostof. Pour s’en assurer, le colonel Koutiepov décide d’envoyer en reconnaissance neuf officiers de ma compagnie sous les ordres d’un capitaine. Je leur suis adjoint. On nous a trouvé des chevaux de Cosaques, petits, peu élégants, mais forts et endurants.

Un ciel couvert de nuages que chasse très bas un vent glacé ; un sol dur sous une mince couche de neige. A notre gauche, le bras supérieur du Don coule sous une épaisse couche de glace. Nous tenons la crête des hauteurs qui longent la rive Nord. Partout de petits villages, et des groupes de maisons, peuplés d’ennemis ; plus loin, sans doute, des nids d’importantes forces bolchevistes.

Après une marche de trois verstes, nous dépassons nos