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éviter celui-ci pour qu’il appliquât ces moyens et que tous fussent préservés. Malheureusement, nous sommes encore à une petite distance de cet état idéal de la société, et une fois que tout le monde saura ce qu’il faut faire contre la tuberculose, — et nous n’en sommes pas là, hélas ! — celle-ci aura encore deux sortes de complices, volontaires ou non : ceux qui ne veulent pas le faire et ceux qui ne le peuvent pas. Il y aura par exemple ceux qui savent que l’alcool est, comme dit le professeur Robin, l’antichambre de la tuberculose, et qui boiront pourtant de l’alcool parce que ça leur chatouille agréablement le gosier ou qui vendront pourtant de l’alcool, parce que c’est un commerce fructueux et facile. Et il y aura aussi ceux qui savent qu’une bonne nourriture et un logement sain sont nécessaires pour leur éviter la tuberculose menaçante et qui pourtant n’auront ni l’un ni l’autre parce qu’ils sont trop pauvres.

Tous ceux-là, tous ceux qui ne veulent pas ou ne peuvent pas faire le nécessaire deviennent un danger non seulement pour eux-mêmes, mais pour les autres, pour ceux qui peuvent et veulent. Et c’est pourquoi la société a le devoir impérieux d’intervenir dans la lutte antituberculeuse. Ce devoir lui est dicté non seulement par l’altruisme et la haine de la souffrance, mais par le souci de sa propre conservation.

Je ne veux donner qu’un exemple, emprunté celui-ci à une autre maladie que la tuberculose, de l’efficacité des mesures sanitaires que seul peut prendre l’État : on sait que, depuis que la pratique de la vaccination s’est généralisée, la variole, fléau jadis redouté des collectivités humaines, a à peu près disparu des pays civilisés. Pourtant, en France notamment, il s’en produit encore quelques cas malgré le caractère obligatoire de la vaccination : or, ces quelques cas se produisent presque tous parmi les femmes. Pourquoi ? C’est que tous les hommes, au moment du conseil de révision, presque tous ensuite à la caserne et dans les périodes d’instruction militaire, tombent, un moment, entre les mains de l’État qui en profite pour les vacciner d’autorité. Il n’en est pas de même des femmes. Et ceci nous permet de mettre le doigt sur une des plaies, sur la plaie principale sans doute de notre organisation administrative : c’est que beaucoup de gens ne se croient pas obligés aux choses légales obligatoires, et pour l’unique motif qu’il n’y a pas de sanctions. J’en indiquerai tout à l’heure de curieux exemples qui touchent à notre sujet, car je m’écarterais de celui-ci si je faisais la démonstration facile que, avec des sanctions soulignant ses décisions légales, la France eût dans cette