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d’induire en la tentation de jurer in verba magistri que l’Empire, loin d’être l’agresseur, avait été la victime de l’agression. Ensuite il a daigné nous révéler, doctoralement, que nous étions en proie à une «psychose de guerre » dont il ne se trouvait pas trace dans l’âme saine et pure de ses compatriotes. Mais tout cela était encore, qu’il l’eût voulu ou non, langage de la chaire, leçon de professeur. Comme tel, la réputation de M. de Hertling était grande, quoique, à dire d’expert, il puisse y avoir lieu d’en rabattre, et que, par exemple, il se soit toujours montré fort habile à monter sur les épaules d’autrui. Comme homme politique, sa réputation n’était guère inférieure, et ici l’habileté eût été la plus précieuse des vertus. Dans les couloirs de l’Assemblée, où chacun a son sobriquet, on l’appelait, non sans une nuance de jalousie admirative, « le vieux renard. » Le malheur est que souvent les renards de cette espèce ne sont admis à faire les preuves de leur malice que lorsqu’ils ont la queue coupée. Le comte Hertling, en entrant à la Wilhelmstrasse, avait-il perdu ses moyens? Les avait-il laissés à Munich, et n’était-il renard qu’en son terrier? Ce qui est clair, c’est que, si ses précédents discours n’étaient pas des chefs-d’œuvre d’astuce, le dernier, du point de vue où il devait se placer, fut le comble de la maladresse.

Nous n’y attacherons, surtout maintenant, d’autre importance que celle qu’un pareil discours pouvait avoir, en un pareil moment, comme collection de symptômes. Les signes que nous avions souvent cherchés y abondaient; ce n’étaient qu’aveux, et la confidence tournait à la confession. M. de Hertling reconnaissait d’abord que c’était la commission elle-même qui avait provoqué la rencontre, et qu’elle l’avait fait parce que la situation de l’Empire était « grave, » que, d’ailleurs, « un profond mécontentement s’était emparé de larges couches de la population. » Mécontentement qui se rattachait à deux ordres de causes : les unes plus générales ou plus durables, vieilles déjà de quatre années, la « pression » que, naturellement, fait subir à l’Allemagne cette « effroyable guerre, » avec son cortège grossissant de « privations » et de « souffrances, » dont le poids charge « plus ou moins toutes les classes et toutes les familles ; » les autres, ou plutôt l’autre, que le Chancelier n’indiquait qu’accessoirement, mais que nous avons le droit de tenir, nous, pour capitale : le mauvais état où le peuple allemand découvrait subitement qu’étaient tombées ses affaires militaires. Le comte Hertling était, au fond, si parfaitement de cet avis, que, le mot à peine lâché, il se hâtait d’ajouter, en le corrigeant, en le reprenant à demi, que