Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 49.djvu/103

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gouvernement impérial, ils espèrent que la « démocratisation » complète serait un bon moyen de faciliter la paix et de rendre l’Entente plus traitable. Afin de calmer les politiciens démocrates et intimider les conservateurs intransigeants, Hertling s’engage à démissionner, si la Chambre des Seigneurs ne vote pas la réforme électorale, « il y va, dit-il, de la défense et du salut de la couronne aussi bien que de la dynastie. » L’Empereur lui-même adresse à ses « chers amis » les ouvriers d’Essen une harangue extraordinaire où, à travers des effusions sentimentales et des rabâchages de vieux prédicant, perce une mortelle inquiétude.

A travers les objurgations de la Kœlnische Zeitung, il est facile de discerner quel est alors l’état moral de l’Allemagne.


Nous n’avons pas le choix aujourd’hui : il faut tenir jusqu’à ce que nos ennemis soient persuadés que, malgré tous les sacrifices, ils ne nous abattront pas. Alors, mais alors seulement, ils seront prêts à entrer en pourparlers. Toute autre altitude de notre part aboutirait à une soumission complète en face d’un ennemi impitoyable qui nous ferait sentir tout le poids du Væ victis ; celui qui sait ce que cela voudrait dire, en frissonne à l’avance.

Il faut continuer la lutte, non pour accroître notre puissance ou notre gloire, mais tout simplement pour vivre, pour le pain de nos enfants ! Nos ennemis n’en veulent pas à une dynastie, à un système politique ; une république allemande verrait se dresser contre elle les mêmes adversaires impitoyables que l’Empire allemand actuel. C’est à notre peuple en tant que peuple, à notre force, à notre nombre, à notre travail, à notre bien-être, à chacun de nous qu’ils en veulent. C’est pour éloigner de nous ces calamités que nous combattons, que nous souffrons tous, au front comme à l’arrière. Rien n’y fait ! Il faut voir les choses comme elles sont. Il faut que tous nous reconnaissions que la patrie allemande et chacun de nous avec elle, se trouvent absolument dans la situation d’un navire au milieu de la tempête furieuse et mugissante.

Il n’y a point pour nous d’autre salut, de quelque côté que nous regardions ; il faut tendre toutes nos énergies ; il faut que toute pensée s’efface devant celle-ci : maintenir la force de résistance du navire et alléger la tâche du pilote. Personne ne peut quitter l’embarcation ; nous ne pouvons qu’atteindre le port ou périr avec elle. Les plaintes et les gémissements ne peuvent que hâter le naufrage ; la mutinerie amène la catastrophe avec une certitude mathématique. Toutes les discussions sur la construction du navire, sur ce qu’il faudrait améliorer, sur les machines, sur quelques pièces trop vieilles