Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 49.djvu/146

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ménage le bonheur et la force. Downing-Street, aujourd’hui, est un foyer bourgeois. On y traite des affaires du monde dans l’intimité domestique. L’oncle Richard y fait des séjours émerveillés. Il est arrivé au ministre de recevoir plus d’un visiteur en tenant sur ses genoux une de ses filles, toute blonde, aux yeux bleus, plus celtique que lui-même. Il paraît qu’on les voit, deux ou trois fois la semaine, se rendre au parc Saint-James, en se donnant la main, pour regarder les canards. Le père n’est pas moins fier de ces yeux bleus et de ces cheveux blonds que le ministre de sa renommée. Peut-être le deuil cruel, dont la mélancolie ne s’est jamais effacée dans ses yeux, l’a-t-elle rendu plus sensible encore à ces joies graves de sa vie personnelle. Ses deux fils portent le kaki.


IX

C’est au retour d’une mission chez nos amis que j’ai rédigé ces notes où j’aurais voulu traduire un peu de cette impression, frissonnante et chaude, que laisse le premier ministre britannique.

Voici qu’au lendemain de l’armistice, dans la fièvre même des fêtes et des pavoisements, il vient de secouer son pays tout entier d’un nouveau frémissement. La campagne électorale s’est déroulée sous les drapeaux, au milieu des acclamations, et le cinéma des candidats a remplacé les films du front. Toujours franc, toujours pressé, M. Lloyd George n’a pas voulu attendre une semaine de plus pour mettre sa patrie devant les responsabilités et les risques des peuples vainqueurs.

Les élections anglaises avaient un sens très clair, et c’est en vain que les adversaires de M. Lloyd George tenteront de donner à cette première consultation nationale des Alliés une signification politique. La Grande-Bretagne, interrogée par son chef, avait simplement à décider ceci : est-ce avec la même conscience, ou avec une conscience différente, que les citoyens d’une grande nation doivent travailler dans la paix et combattre dans la guerre ? Est-ce que cet esprit de sacrifice et d’union, cet ensemble de toutes les vertus et ce concert de toutes les énergies qui ont assuré la victoire ne doivent marquer qu’une heure fugitive et frénétique de la vie nationale, ou bien ce fier et haut régime doit-il rester le régime ordinaire d’un peuple digne de sa victoire