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dans une époque pathétique comme celle que nous traversons, les nations, au cœur surmené par l’angoisse et la joie, sont devenues romanesques. Les forces qui vont décider de leur avenir mutuel sont principalement sentimentales, ainsi qu’à toutes les grandes heures de l’histoire. Il n’y aura plus d’alliances sans amour. Il faut que les peuples amis touchent profondément leurs points de ressemblance et de sympathie, de parenté spirituelle. Or, toutes les qualités britanniques, la fermeté dans les conseils, l’esprit d’obéissance à l’enseignement des choses, la persévérance dans la mauvaise fortune et la modération dans la bonne, le culte de la vertu et le sentiment puritain de la justice, M. Lloyd George les possède. Mais ces qualités nationales, il les a en quelque sorte transposées dans un ton plus véhément et dans un mouvement plus rapide ; il y a ajouté le frémissement, l’élan, je ne sais quoi de fiévreux et de frénétique que nous reconnaissons bien et qui a presque l’air d’être venu de chez nous. Du tocsin d’alarme aux sonneries de la victoire, pendant toute la durée de la lutte et dès le lendemain du triomphe, il a fait entendre à sa patrie étonnée un langage qui nous était familier. Le Pays de Galles et notre Bretagne offrent des analogies par leur configuration et leurs paysages, par leur race et presque par leur dialecte. Si donc, comme la liaison des armes dans la guerre, le problème essentiel de la paix reste, entre les nations de l’Entente, la liaison des âmes, cette liaison de l’âme française et de l’âme britannique, première condition du monde à venir, qui pouvait mieux la réaliser que ce vibrant petit Celte aux yeux bleus et au regard mystique ?…


GASTON RAGEOT.