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ordre et cette discipline seront alors indispensables pour ne pas jeter brusquement sur le pavé, sans organisation préalable, des millions d’hommes dans un pays désolé, longtemps paralysé par la guerre. Si les hostilités se fussent terminées au bout de quelques semaines, chacun aurait simplement repris sa place en des cadres conservés et l’on n’aurait remarqué que les vides. Après des années, il n’en sera plus de même. Un tassement, une assimilation se seront produits ; des habitudes auront été prises, des droits auront été acquis. Matériellement et moralement, c’est dans un monde nouveau qu’il s’agira de trouver une occupation et un gagne pain pour tous : un monde, où commenceront par manquer les éléments indispensables à la remise en marche de la grande machine pacifique, arrêtée, ralentie ou détournée vers d’autres emplois pendant des années, appareils, matières premières, forces motrices, capitaux. Il faudra occuper les combattants, employer aussi leurs remplaçants provisoires. Dans les industries de paix qui ont fonctionné à marche réduite en gardant leur ancien caractère, ce sera relativement facile. Mais celles dont les usines ont été fermées ou même détruites, ne pourront reprendre l’ancienne activité que peu à peu, dans un ordre imposé par leur nature même. Et les industries de guerre, qui interrompront leur production d’obus ou d’explosifs, ne sauraient se transformer immédiatement en industries de paix, là même où cette transformation est possible et a été le mieux prévue et étudiée. Assurément, ce n’est pas le travail qui manquera au total ; mais on ne peut pas employer un filateur ou un métallurgiste à construire les murs d’une maison, à poser des charpentes ou à couvrir des toits ; ce n’est pas parce qu’un homme a appris à tourner des fusées qu’il est devenu capable de labourer un champ. On doit enfin prévoir des emplois pour les mutilés de la guerre qui montreront des exigences en partie justifiées et parer à un afflux regrettable, mais certain, des campagnes vers les villes.

Ce retour des mobilisés à la vie civile a été particulièrement étudié en Allemagne et en Grande-Bretagne ; dans l’un et dans l’autre pays, les conclusions adoptées ont été analogues.

L’Allemagne a, on le sait, la prétention d’avoir entièrement résolu la question sociale par les lois de prévoyance, le développement autorisé et régularisé des syndicats et les facilites données à l’instruction technique. Les socialistes allemands