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et Spartacus, chaque autorité ou soi-disant telle, chaque partie chaque groupe a sa troupe. Le Directoire dispose des régiments que le fidèle Hindenburg, le seul homme de l’ancien régime dont le prestige n’ait pas fondu dans le désastre, lui renvoie du front en assez bon arroi, paraît-il, et à qui l’on s’évertue à inculquer, en les couvrant de fleurs, naturelles et de rhétorique, qu’ils sont formés de « héros invaincus. » (Nous aurons souvent à dire « paraît-il, » les renseignements sur l’état dans lequel reviennent ces régiments eux-mêmes étant divers et contradictoires ; probablement cet état dépend-il beaucoup des circonstances de milieu.) Sous la bannière de Liebknecht, plus rouge que le rouge, se rangent principalement ces matelots de trottoir qu’on vit tout de suite à terre, et cette espèce de soldats qui, au premier signal, ou même avant le signal, se démobilisent d’un geste spontané ; soit qu’échappés du front oriental, ils y aient été contaminés par la peste russe, soit qu’occupés ou embusqués à l’intérieur, leur esprit militaire se soit dissous, comme Hindenburg en personne le leur reproche, dans les déliquescences de l’intérieur. En somme, tout ce qui est encore organisé serait du côté du Directoire, et tout ce qui désorganise, de l’autre côté.

De là, de la coexistence et de la rencontre de ces deux armées, les chocs qui se sont produits et qui se produisent quotidiennement dans les rues de Berlin et de plusieurs grandes salles. A Berlin, le conflit, un certain jour, a tourné au combat, et le combat à la bataille, puis au siège réglé. Que s’est-il passé ? Est-ce Spartacus qui a attaqué ? Est-ce le Directoire qui a voulu prévenir une attaque et la faire avorter en la devançant ? Est-ce quelque régiment, animé d’intentions patriotiques, et pénétré des instructions du grand quartier général de Wilhelmshöhe, qui s’est servi de ses armes sans qu’on le lui ait commandé ; qui, persuadé peut-être que l’Entente n’entrerait en conversation qu’avec un gouvernement assis et stable, s’est institué « faiseur d’ordre » pour qu’il se constituât « des faiseurs de paix ; » ou qui simplement a été tenté de mettre au pas ces « civils » agités en envahissants ? Quoi qu’il en soit, le Directoire l’aurait emporté. Les troupes de Liebknecht, après une vigoureuse défense, auraient été d’abord rejetées dans les faubourgs de la capitale, et viendraient d’être chassées de Neukœlin, où elles avaient établi leur citadelle.

Mais, parallèlement à cette bataille de rues, il se livrait un combat de couloirs, politique, presque parlementaire. Les partis se tâtaient, se mesuraient, essayaient leurs forces sur tous les terrains. Des élections préparatoires au Congrès national des conseils d’ouvriers et de