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Le 19 mai, à neuf heures du soir, Murat, accompagné seulement de trois courtisans, de son neveu Bonafous, de son secrétaire Auguste de Coussy, et de quelques domestiques, s’échappe du Palais royal. Après de romanesques aventures, il gagne Ischia, où il parvient à s’embarquer le 21, avec trois personnes seulement, sur un chébec frété par le général Manhès, le pacificateur, — d’autres disent le bourreau, — des Abruzzes. Ce chébec qui bat pavillon anglais, chargé à couler, touche à Cannes le 25, après trois jours de traversée. Après quelques hésitations, le sous-préfet de Grasse lève la quarantaine ; Murat débarque, et, tout aussitôt, il expédie deux courriers, l’un à Fouché, l’autre à l’Empereur, qu’a déjà prévenu une dépêche télégraphique du maréchal Brune, commandant l’armée du Midi ; Brune est un très ancien ami de Murat pour lequel il va s’employer avec une affectueuse complaisance.

La situation telle qu’elle se présente, paraît sans issue : à Naples, Caroline a dû capituler devant la division du commodore Campbell, livrer la flotte et les arsenaux en échange d’une vague promesse de négociations, de garanties pour sa personne et ses propriétés ; menacée d’une de ces insurrections populaires dont Naples est coutumière, elle s’est réfugiée à bord du navire anglais Tremendous. De là, elle a écrit à l’Empereur, pour lui annoncer son désastre et lui demander un asile. Mais la convention qu’elle a signée avec Campbell n’est point ratifiée par le commandant de la flotte britannique en Méditerranée, Lord Exmouth : il livre la Reine à M. le comte de Neipperg, lequel la réclame au nom de l’Autriche, victorieuse à Tolentino. Sur ce navire devenu prison, Caroline est conduite à Trieste avec les princes, ses enfants, qu’on a retirés de Gaète ;