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offrir, de son chef, et sans demander l’autorisation du gouvernement royal, un sauf-conduit au roi de Naples, et à lui procurer les moyens de gagner l’escadre anglaise. À la vérité, le sauf-conduit devait lui être rendu après que .Joliclerc en aurait fait usage : mais quelle preuve meilleure que Rivière agissait spontanément, de concert avec Joliclerc et, par Joliclerc, avec Fouché, pour le salut de Murat ? Seulement, il fallait trouver moyen de communiquer avec Murat, et ce fut vainement que Joliclerc multiplia les démarches. « Le roi Joachim, qui paraît réellement caché dans nos environs, écrit-il le 16 août à Fouché, ne m’a fait encore aucune réponse positive aux propositions qui lui ont été portées de la part de M. le marquis de Rivière. Ce prince hésite et se fera arrêter ! On a été plusieurs fois déjà sur ses traces. »

Le journée passe : c’est la dernière. Le 17, Joliclerc est destitué ; le marquis de Rivière, nommé pair de France, est rappelé à Paris. Du même coup, et peut-être cette coïncidence n’est-elle pas fortuite, les deux derniers soutiens de Murat sont réduits à l’impuissance. Son sort se trouve désormais remis à des subalternes incapables d’une vue généreuse et d’une pensée un peu haute. Fouché, espérant que le Roi a quitté Toulon, et qu’il a gagné un asile dans un des départements de l’Est, multiplie ses communications aux préfets, pour qu’ils « emploient des moyens sûrs et discrets pour découvrir si ce prince fugitif a réellement choisi tel ou tel lieu pour sa retraite… », et, ajoute-t-il de sa main : « Si l’ex-roi de Naples est dans votre département, vous lui donnerez un passeport pour l’Autriche. » Pas plus Fouché que Joliclerc n’arrive à savoir où est le Roi.

Depuis le 10, où, ne voyant pas arriver son neveu, il a vainement tenté de rejoindre le navire qui devait l’attendre en rade, Murat erre par la montagne, abandonné par son valet de chambre, Leblanc, parti pour Toulon, sous un prétexte, avec l’or qui lui a été confié. Après quelques nuits passées dans la maison de M. Marrain, avocat, auquel, sans le connaître, il a demandé l’hospitalité et qui, pour la lui avoir accordée, fut mis plus tard sous la surveillance de la police, il s’est hasardé jusqu’à Plaisance, d’où il a pu faire prévenir son neveu Bonafoux-Murat, qui, étroitement surveillé lui-même, a apporté quelque argent et des vivres. Il passe les nuits à Plaisance, chez la jardinière ; il erre le jour dans la montagne, échappant