Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 49.djvu/304

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Soit à la suite d’une démarche faite par les royalistes, partisans des Anglais, près du commandant à Gênes, Lord Bentinck ; soit sur le propre mouvement de ce vieil ennemi, un brick avait été expédié à Bastia, avec un officier, pour demander au Roi quelles étaient ses intentions et lui offrir un navire qui le transporterait en Angleterre ou en Autriche. Le Roi répondit qu’il était venu réclamer l’hospitalité d’un peuple pour qui l’infortune a des droits sacrés, que son intention était de vivre en Corse comme un simple particulier, d’y attendre les passeports qu’il avait demandés, et de quitter le pays aussitôt qu’il les aurait reçus. L’officier anglais prit alors congé et le brick retourna à Gênes ; mais, bientôt après, arriva de Livourne devant Bastia une frégate anglaise, commandant Bastard, suivie de deux chaloupes canonnières siciliennes. Désormais, la mer était fermée, au moins sur la côte orientale. Les projets que Murat aurait pu former sur son ancien royaume devenaient difficilement réalisables, et le séjour au Vescovato médiocrement sûr. Les Anglo-Siciliens pouvaient, par un coup de main, enlever le Roi : Galloni surtout était à craindre, car il tenait un compte médiocre des ordres du colonel dont il s’était déclaré le chef d’État-major.

Le 28 août, Galloni, que Verrier désirait surtout éloigner de Bastia, se fit donner par lui l’ordre de pacifier la Balagne ; c’est une région de la Corse, comprenant cinq pièves, dont la capitale paraît avoir été Algajola avec 177 habitants. Calvi et l’ile Rousse, sur les confins de la Balagne, n’en font point partie. « À mon arrivée dans cette province, écrit Galloni dans un Mémoire qu’il adresse au ministre, je vis avec douleur que Murat y avait organisé le plus grand trouble. J’espérai, par une proclamation, de calmer les esprits, mais les menées des agitateurs rendirent cette mesure infructueuse. Je me portai alors à Calvi pour mettre cette place en sûreté, mais la populace et les gendarmes qui composaient la garnison de Calvi, soulevés par le général Simon et le colonel de gendarmerie Charlot, m’empêchèrent de m’introduire dans la place[1]. Cet acte de

  1. « Je trouvai dans cette ville (Calvi). écrit le général Simon (Rev. Rétr. XII, 440), le commandant, le maire et une foule d’habitants de l’Île Rousse qui s’y étaient réfugiés pour échapper aux assassins que Galloni avait armés dans ce canton. Les magasins de l’Île Rousse avaient totalement été pillés au nom du Roi, et on se servait de ce nom respectable pour autoriser tous les excès. »