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à son coin de terre ; il se déplace, il émigre facilement. Entre la plaine russe et la plaine de l’Allemagne du Nord, en passant par la plaine polonaise, pas de frontières naturelles ; pas de contraste non plus entre les plaines russes et les plaines ukrainiennes jusqu’aux premières pentes des Carpathes. Des peuples très divers, dont les plus nombreux sont slaves, habitent ces immenses contrées ; des dominations multiples s’y sont combattues et s’y sont succédé : Empire mongol, Empire polonais, Empire lithuanien. Empire russe, englobant tout ou partie des grandes plaines sans fin. Tous ces Etats historiques ont eu un pareil destin : une ère de formation et de croissance, un maximum d’extension, une période de déclin ; tous ont correspondu à l’évolution sociale et politique d’un peuple. Aucun de ces peuples n’a disparu ; de chacun d’eux il subsiste des groupes ethniques plus ou moins importants, depuis ces petites tribus du Caucase qui ont survécu dans un repli de la montagne comme des échantillons de races disparues, jusqu’à de grandes nations comme les Polonais. Des mélanges se sont produits ; les peuples de l’ancienne Russie sont comparables aux essaims d’abeilles constitués par un noyau compact autour duquel voltigent des insectes dont les rangs sont moins serrés à mesure qu’ils s’éloignent du centre. Les frontières ethnographiques sont difficiles à tracer ; les revendications nationales s’enchevêtrent et se combattent. Si l’on regarde une série de cartes historiques des territoires de la Russie, on s’aperçoit que ces empires successifs se sont étendus, au moins partiellement, sur les mêmes territoires. Ils présentent schématiquement l’aspect d’une série de cercles qui ont chacun leur centre, mais dont les circonférences se coupent. Quelles que soient les frontières futures, si scrupuleusement que les Alliés cherchent à faire droit à toutes les revendications légitimes, il y aura toujours, dans l’ancien Empire des Tsars, comme dans l’ancien Empire des Habsbourg, dans les Balkans et en Turquie d’Asie, des minorités qui devront accepter la loi des majorités, mais à qui seront assurées des garanties pour leur langue et leur culture particulières.

Les Tsars de Moscovie, peu à peu, à partir du XVIe siècle, rassemblèrent sous leur autorité toutes les terres peuplées de Russes. De tous les membres de la grande famille, seuls les Ukrainiens ou Petits-Russes de Galicie et de Hongrie, que