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nationales à la fois contre les Russes et contre les Polonais. Ils ont, en effet, un type, une langue, une civilisation, des mœurs originales ; ils sont fondés à réclamer le droit de se développer selon leurs propres lois et traditions. C’est en vain que leurs cartes de propagande représentent la Lithuanie du temps du roi Vitantas englobant, de la Mer Noire à la Baltique, une grande partie des terres polonaises ou russes ; ils sont obligés de reconnaître qu’ils ne forment qu’un groupe restreint de deux millions et demi d’individus qui peut difficilement constituer un Etat viable s’il reste isolé. Ils ne vivent en masses compactes qu’à l’Ouest et au Nord d’une ligne qui passerait au Nord de Suwalki, à l’Ouest de Wilno et.de Dwinsk ‘Dunabourg). Leur domaine ethnique n’atteint pas le cours de la Dwina (Düna), Les ports de Riga et de Liban sont du domaine des Lettons. Le plus grand centre purement lithuanien est Kovno sur le Niémen. Dans la région de Wilno et de Grodno, les Lithuaniens sont de 30 à 50 pour 100 de la population ; ils dominent dans les campagnes, mais les villes sont polonisées. En Prusse orientale, les deux rives du bas Niémen et une assez large bande qui vient rejoindre à la hauteur de Suwalki la zone polonaise, sont peuplées de Lithuaniens ; bien qu’ils aient toujours été de loyaux sujets du roi de Prusse et qu’ils soient en majorité protestants, ils ont gardé le souvenir de leur origine et, pendant la guerre, un fort courant national lithuanien s’est développé. Memel appartient au domaine lithuanien dont il est le port naturel. Depuis le traité de Brest-Litovsk, la Lithuanie s’était résignée, sous la pression des troupes allemandes et par crainte du bolchevisme, à une combinaison qui lui aurait donné pour roi le duc d’Urach et qui, la rapprochant des Allemands, l’aurait séparée des Polonais. C’était le résultat que cherchait la politique de Berlin dont le programme a été et sera toujours d’affaiblir autant que possible la Pologne et de diviser les États baltiques. Le long séjour des troupes allemandes dans les pays lithuanien, polonais, letton, esthonien, leurs exactions, leurs brutalités, ont produit l’effet accoutumé, montré le « Boche » sous sa vraie physionomie et jeté des semences de haine, qui, maintenant, se développent sans contrainte. Si les Polonais sont assez pénétrés de l’esprit de justice et de respect mutuels qui doit désormais régir les rapports des peuples entre eux, s’ils consentent sans arrière-pensée à reconnaître l’indépendance