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450 hommes et commandé par le colonel Montagnac, attiré dans un guet-apens et entouré p.ir 5 000 Arabes, refusa de se rendre et préféra mourir. Mourir : un régiment, un bataillon ne meurent pas. Leur drapeau, leur âme, demeure pour animer leur nouveau corps à mille têtes. Il y a même dans l’histoire des renouvellements qui semblent stylisés pour devenir des motifs décoratifs : le 8e bataillon de chasseurs, dans la grande guerre, recommence, et deux fois, l’exploit de Sidi-Brahim, mais avec plus de chance. Dans l’Argonne, le 30 juin 1915, il est cité à l’ordre du jour : « entouré, presque encerclé, dit la citation, il a montré que ses officiers et ses chasseurs étaient toujours dignes du bataillon de Sidi Brahim. » A Verdun, le 9 avril 19I6, l’attaque allemande déborde le bataillon sur les deux ailes et s’infiltre dans les tranchées. Dans cet extrême péril, menacé d’être tourné et le sol qu’il défend déjà imbibé d’ennemis comme une éponge qui prend l’eau, le capitaine de Surian ne veut rien céder du terrain qu’il occupe. Je me trouvais au Bois Bourru ce jour-là et j’ai pu noter à la Division le rapport qu’il rédigea le soir dans la tempête, et qu’il envoya par un courrier : « On a fait son possible pour tenir, écrit-il. Le moral des hommes qui sentent pourtant toute la gravité de la situation, reste bon. Ils sont résolus à tenir jusqu’à la mort. » L’écriture était ferme, tranquille, presque appliquée, ne portait aucune trace de hâte ni de fièvre. Et voulant laisser un témoignage, un testament, pour le cas où il ne reviendrait pas, le chef ajoutait : « Je puis assurer que tout le monde a fait entièrement son devoir. » La nuit vint sans que le bataillon eût reculé. Il put être ravitaillé en munitions. Le lendemain matin, le capitaine de Surian, pour se dégager et se donner de l’air, ordonna d’attaquer et fit reculer l’ennemi. Il eut l’honneur de maintenir sa ligne intacte : blessé gravement, à quelques mètres de l’ennemi, ses hommes l’emportèrent sous le feu pour le mettre en sûreté. Tel est le revenant qui, le 30 mars, est le gouverneur du Plémont.

Il s’y est installé dès le 26 mars au soir, en débarquant des camions automobiles. Ce soir-là et le lendemain, il a vu refluer des éléments du 46e et du 31e régiment qui sortaient tout meurtris de la bataille et qui allaient se reformer en arrière, lui laissant la montagne en toute propriété. « Cette propriété, constate son rapport, constituait une lourde charge. La défense