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que la tombe de son grand confrère « rongée par la pluie, par la mousse, par l’ortie et par les termites, s’effondrait, menaçant de laisser le cercueil à découvert, » Dumas s’indigna et ouvrit une souscription dont le produit était destiné à la restauration du monument. Partageant peut-être les rancunes de son mari contre le grand conteur envahissant, la veuve de Balzac protesta, jugeant cette immixtion indiscrète et l’affaire alla jusqu’aux tribunaux dont la sentence écarta la plainte de la dame et rendit hommage au geste pieux d’Alexandre Dumas.

Ses contemporains se sont amusés du plaisir évident qu’il prenait à constater sa popularité, de la satisfaction avec laquelle il arborait parfois les innombrables croix à lui décernées par les souverains étrangers ; ce sont là des puérilités bien excusables qui. complètent sa bonne figure et ne l’amoindrissent pas. Au surplus, il ne les exhibait pas tous les jours, ses « ordres » : il savait en faire meilleur usage, comme ce jour de 1849 où, averti que Mme Dorval, l’Adèle de son Antony, était morte sans laisser de quoi subvenir à son inhumation, il mit en gage, — car il manquait d’argent comme il en manqua toujours, — sa plus brillante décoration, celle du Nicham, afin d’acheter au cimetière un terrain où pût reposer le corps de sa vieille amie.

Son histoire intime abonde en traits de ce genre ; simples anecdotes, précieuses pourtant, en ce qu’elles nous font mieux connaître l’homme et permettent d’apprécier plus justement son œuvre où il a mis tant de sa bonté, de sa rondeur, de sa prodigalité et de son désintéressement.


G. LENOTRE.