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de Strasbourg constitué par les forts de la rive droite du Rhin, avec une bande de terrain de 5 à 10 kilomètres en avant de ces forts. » De la sorte, par la convention du 16 janvier après celle du 13 décembre, la ligne d’occupation se trouve renforcée sur le Rhin à ses deux extrémités : au Nord, près de la frontière hollandaise, au Sud, vers Strasbourg, — avec, dans l’intervalle, Cologne, Coblence, et Mayence, au coude rentrant du fleuve, — se sont abattus et s’appliquent, pour ainsi parler, les deux poings qui maintiennent l’Allemagne. Le sentiment populaire, qui s’exprime symboliquement, eût souhaité, à cause des usines Krupp, l’occupation d’Essen. L’autorité militaire ne l’a point estimée utile ; et, en effet, le cas échéant, tout se passerait comme si Essen était occupé, la cité infernale étant sous le feu de nos canons et presque à la pointe de nos baïonnettes : l’atteindre serait l’affaire d’un pas et d’un geste. Mais ce qu’il est intéressant de retenir de ce désir obscur, c’est le profond instinct des puissances de trahison que renferme l’âme allemande : c’est la vision de sa duplicité, de sa fausseté, de sa perfidie. Jamais, avec elle, le moment ne vient de lâcher la main ; moins que jamais il n’est venu, à présent qu’il s’agit de dicter à l’Allemagne une paix qui repose sur des sanctions pour le passé, sur des garanties pour l’avenir.

La Conférence, qui va tout de suite en jeter les fondements, et avec du temps, en construire l’édifice, a tenu le samedi 18 janvier, au ministère des Affaires étrangères, à Paris, sa première séance. Cette séance a été solennellement ouverte par M. le Président de la République ; il y a trouvé l’occasion de prononcer un discours excellent, digne en tout point de compter parmi les meilleurs de l’heureuse série où brillent d’un pur éclat ses harangues mémorables de Metz et de Strasbourg. Un tel discours vaut non seulement par sa forme, ce qui serait peu, mais par son fond, par la vigueur de la pensée, par l’ampleur et la netteté des vues politiques. Il est admirablement français pour toute sorte de raisons, et premièrement pour celle-ci, qu’il est admirablement clair, modéré, raisonnable, équilibré, précis. M. Poincaré a commencé, dès le remerciement de l’exorde, à mettre en leur valeur, dans le règlement universel des comptes, les titres particuliers de la France. Si, d’un consentement unanime, Paris a été choisi comme siège des travaux de la Conférence, c’est que Paris, a dit M. le Président de la République, est « la ville que, pendant plus de quatre années, l’ennemi a prise pour son principal objectif militaire et que la vaillance des armées alliées a victorieusement