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la France resterait la première exposée au péril. Mais beaucoup d’éléments nouveaux doivent l’aider à se rassurer. Nous voyons devant nous naître un monde nouveau. Ce monde s’est éveillé à la communauté de ses intérêts. Il sait que son avenir même en dépend, l’avenir des institutions libres et celui de la civilisation. Il sait que, si le péril dans lequel la France a vécu devait se continuer, la menace serait pour le monde) entier. Contre elle, ce n’est pas seulement la France, c’est le monde entier qui doit s’organiser. » Et aussitôt la conclusion de M. Wilson se dessine, se resserre : « Dans l’hospitalité que je reçois, dans les paroles qui m’accueillent, je ne vois pas seulement votre aimable bienveillance et votre cordialité fraternelle. J’y vois aussi un dessein, j’y vois une pensée dirigeante. Cette pensée, c’est que nous devons nous tenir fortement les uns les autres, c’est que nous devons nous aider les uns les autres. Ceux qui ont combattu pour la liberté, ceux qui l’ont défendue et sauvée, sont liés par un serment de ne jamais se séparer. » Traduite en langage politique concret, dans un texte et dans un acte, si cette affirmation signifie, comme il est évident que c’est ce qu’elle veut dire, que la France ne sera plus seule désormais à monter la garde sur le Rhin, que toutes les nations alliées ou associées et la Ligue qu’elles se proposent de former, coopéreront à cette surveillance de haute police ; qu’elles ne seront jamais plus absentes ou trop éloignées de cette ligne où de tout temps a chancelé et trébuché la paix du monde ; si, sur ce point, il faut entendre que, provisoirement du moins et jusqu’à ce que se soit constituée une nouvelle Allemagne, non réfractaire, non étrangère à l’Europe nouvelle, au monde nouveau, la rive gauche du Rhin sera tenue sous une occupation militaire internationale ; et si, contre le péril permanent, la défense aussi devient permanente, si contre la menace allemande se dresse, sans limite dans la durée, dans l’espace et dans l’effort, la grande alliance ou association occidentale ; si tout cela est voulu, convenu, écrit signé et fait, l’idéal et la réalité se rejoignent : nous pouvons aspirer au ciel, sans craindre que la terre ne s’entr’ouvre sous nos pieds ; nous pouvons essayer de nous élever à la politique des anges, sans oublier, pour notre perte, à quelle espèce d’hommes nous avons affaire, en la personne, jusqu’ici incorrigible, immuable, imperfectible, du peuple allemand.

L’objet ou les objets de la Conférence étant expressément déterminés par les voix les plus autorisées, elle a fixé sa méthode : « Pour mener à bien cette tâche immense, lui a dit M. Poincaré, vous n’avez