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prouvera qu’elle sait organiser la guerre aussi efficacement que l’autocratie ; l’amour-propre national s’en mêle ; on se pique au jeu ; on donnera à l’Allemagne et au monde étonnés le spectacle de la plus parfaite organisation que la terre ait vue, aux Alliés l’assurance que, par la rapidité et l’intensité des efforts, on saura racheter le passé et réparer le temps perdu. Et bientôt les angoisses d’une lutte qui est devenue nationale pénétreront tous les cœurs quand l’offensive du 21 mars viendra menacer pareillement l’Amérique et les Alliés. Le péril est imminent, intolérable ; l’on ne veut admettre qu’à la dernière heure la victoire échappe. Nul effort n’est trop grand pour écarter pareil désastre. Et la réponse de l’Amérique est foudroyante : c’est le miracle du transport de ces troupes qui, brusquement, montent de quelques milliers par mois à 300 000. Et lorsque les premières pertes américaines sont annoncées, un immense frisson de colère parcourt le pays qui, tout entier, se raidit et jure de venger ses morts. Tous les sentiments à la fois convergent pour faire de cette guerre l’affaire personnelle de l’Amérique : elle s’en charge, elle la réglera de manière telle que l’Allemagne sera à jamais mise dans l’impossibilité de recommencer. La décision est inexorable. Les inquiétudes des Alliés tombent. Leurs buts de guerre essentiels deviennent ceux de l’Amérique. Justice sera faite, et jusqu’au bout.


LES PRÉPARATIFS MILITAIRES ET FINANCIERS DES ÉTATS-UNIS

Dans ces premiers jours qui ont suivi la déclaration de guerre, bien des symptômes de l’ancienne indifférence subsistaient cependant encore. L’opposition au service militaire universel était encore très puissante. Le volontariat qu’on espérait lui substituer ne rendait pas. Plus royaliste que le roi, la presse germanophile et pacifiste poussait à la conscription immédiate et permanente, seule vraiment démocratique, disait-elle. Elle espérait ainsi alarmer les esprits et faire plus efficacement échouer la mesure, car l’horreur de la conscription et des armées permanentes est un dogme aux États Unis. Elle soulignait que l’Est, en apparence si ardent pour la guerre, était tiède en réalité, puisqu’il ne répondait pas à l’appel. New-York et le Massachusetts n’ont encore donné que 14, 6 p. 100, et 11 p. 100 des contingents demandés ; le Vermont n’a donné