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dans le château qu’il a transformé en musée de ses propres souvenirs. Dans les deux salons du premier étage, il a réuni les portraits de Washington et de Franklin, la vue du port de Pasajes où il s’est embarqué pour l’Amérique en 1777, la Déclaration de l’Indépendance des États-Unis, une vue de La Fayetteville, les portraits de Bailly, du duc de Liancourt, de Gouverneur Morris, du général Greene, de Riego, de Lally Tollendal, les bustes des présidents Washington, Monroë et Adams, envoyés successivement par chacun d’eux et mille autres souvenirs des temps abolis.

Son séjour favori est la bibliothèque de La Grange. Là, dans cette tour, d’où il peut, par une petite fenêtre, surveiller les travaux agricoles, et lancer ses ordres à l’aide d’un porte-voix, il a réuni ses livres de choix sur cinq doubles rayons séparés par des colonnettes au-dessus desquelles il a fait peindre des médaillons en grisailles qui décèlent à la postérité ses préférences dans l’amitié et dans la politique : ce sont les portraits de Bailly, Gouvion, Mandat, Desaix, Malesherbes, van Ryssel, Dietrich (maire de Strasbourg guillotiné en 1793), Lavoisier, La Rochefoucauld, Washington et Franklin.

Un grand nombre de ses livres proviennent de la bibliothèque de Malesherbes. Il les a reçus en 1785 lorsque tous deux travaillaient à faire restituer aux protestants leurs droits civils. Sur la Révolution, son auteur favori est Mignet ; sur la guerre d’Amérique, Ramsay. Nombreux sont les livres sur lesquels La Fayette a apposé son ex-libris dont la devise Cur non ? un peu ambitieuse, n’est pas sans quelque rapport avec celle de Fouquet. Dans cette bibliothèque, des reliques encore au fond des vitrines Une épée donnée par Franklin, les pistolets, le parasol, le binocle de Washington, la dernière tapisserie exécutée par Mme Washington à l’âge de soixante-dix ans, le nécessaire de Sobieski donné par Kosciusko,

Mais, à dix heures, une cloche impérieuse arrache La Fayette à sa retraite de choix. On sonne le déjeuner auquel, bien souvent, s’attablent 20 ou 25 convives. Plus ouvert que dans sa jeunesse, il anime la conversation avec entrain et gaité. Ensuite, c’est, au salon, la lecture des journaux, puis de midi à trois heures une nouvelle promenade aux fermes ou dans les environs. A quatre heures, La Fayette remonte dans sa bibliothèque où il rédige ses « Mémoires. » A six heures, le