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Kronprinz de Bavière préparait une grosse attaque sur son front. Le général Pétain relevait, de son côté, des indices certains d’une offensive dans la région champenoise. Les deux opinions ne s’excluaient point ; il n’est pas impossible qu’au lendemain de l’échec de von Hutier en direction de Compiègne, l’état-major allemand, hésitant entre deux actions, ait, à toutes fins utiles, préparé l’une et l’autre. Il semble même aujourd’hui certain que l’offensive sur le front français, réussissant le 15 juillet, eût dû être suivie, vers le 19, d’une offensive sur le front britannique.

Les deux opérations étaient maintenant également redoutables. Il les fallait envisager l’une et l’autre avec le plus grand sérieux et y parer activement. Pour cela, on devait se tenir prêt à porter l’ensemble des réserves alliées sur une partie quelconque du front au profit de l’une ou de l’autre des armées menacées ; les commandants en chef étaient invités, dès le 13 juin, à établir des plans de transports éventuels qui seraient par la suite constamment tenus à jour. Ces études avaient pour base, en ce qui concernait l’armée britannique, la préparation de transports sur le front français de ses réserves générales dans les différentes hypothèses, — d’une intervention au Nord de l’Oise, — d’une intervention entre Oise et Marne, — d’une intervention à l’Est de Reims, et, en ce qui concernait l’armée française, l’établissement d’un plan initial vers la zone britannique. En attendant, Foch allait entretenir, le 18 juin, le maréchal Haig des différentes possibilités d’attaque ennemie sur son front ; les divisions françaises demeurées en Flandre seraient remises à la disposition de Pétain qui renverrait à Haig les divisions britanniques du front français. Et l’état-major interallié, pendant les semaines de juin, se livrait à une étude minutieuse de la situation. Il en sortait, le 1er juillet, la directive 4 où cette situation était exposée d’une façon très nette.

L’ennemi était arrêté à 30 kilomètres de Dunkerque, 60 de Calais, 70 de Boulogne, 60 d’Abbeville, 60 de Paris, 25 de Châlons. Une avance de 40 kilomètres vers Abbeville couperait les communications avec le Nord de la France, séparerait les armées britanniques des armées françaises, résultat militaire considérable pour l’issue de la guerre. Une avance, même bien moindre, vers Paris, sans qu’elle pût influencer définitivement les opérations militaires et, par là, amener une décision,